Perspectives obligataires - T1 2021
Thèmes et implications du pôle mondial obligations, devises & matières premières – Perspectives trimestrielles
Bob Michele
Synthèse
- Notre scénario de base reste axé sur une croissance supérieure à son rythme tendanciel, dans un contexte où de plus en plus de pays parviennent à contenir le virus et débutent leurs campagnes de vaccination (même si le PIB des grandes économies pourrait se contracter au premier trimestre) ; nous avons revu à la baisse nos probabilités de croissance inférieure à son rythme tendanciel, de récession et de crise, observant que les problèmes potentiels liés aux vaccins et la fin précoce des mesures de soutien constituent des risques.
- Nous anticipons une lente augmentation des rendements et pensons que les banques centrales ne laisseront pas les rendements obligataires augmenter trop fortement, ce qui augmenterait le coût de la reprise ; d’ici la fin du deuxième trimestre, nous estimons que les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans se situeront entre 1,00 % et 1,25 %.
- L’inflation représente un risque majeur car la réouverture des économies mondiales pourraient créer une forte hausse de la demande, même si nous pensons qu’il s’agirait d’un rebond à court terme dans un contexte de forces désinflationnistes à plus long terme. Nous espérons que les banques centrales n’interviendront pas sur les taux et n’affecteront pas les bilans jusqu’en 2025.
- La dette émergente figure en tête de notre liste, en particulier les obligations d’État en monnaie locale ; nous privilégions également les titres bancaires de qualité Investment grade, le crédits à haut rendement et, tout en étant conscients des défis que pose l’immobilier, les titres adossés à des crédits hypothécaires commerciaux notés A.
Probabilité des scénarios (%)
Source : J.P. Morgan Asset Management. Opinions en date du 9 décembre 2020.
La Réouverture
Pour la quatrième fois consécutive, notre réunion Investment Quarterly (IQ) du 9 décembre s’est tenue à distance. Comme lors du dernier IQ, nous avons passé un temps considérable à évaluer l’impact de la réouverture de l’économie sur l’inflation et la politique monétaire des banques centrales. Mais cette fois-ci, l’optimisme prédominait clairement au sujet d’une vaste réouverture et au retour à quelque chose qui se rapproche de ce que nous avons retenu comme normal. Depuis le dernier IQ, en septembre, l’incertitude à l’égard des élections américaines est passée, la situation est revenue à la normale dans un plus grand nombre de pays qui parviennent à contenir le virus, et un vaccin très efficace est en cours de distribution tandis que d’autres sont en préparation. Bien que les pays de l’hémisphère nord vont rentrer dans quelques mois d’hiver rigoureux et sombres, ils aperçoivent de la lumière au bout du tunnel.
Notre défi était d’estimer le rythme de la réouverture et son impact sur la croissance et les pressions inflationnistes. Puis, d’essayer d’anticiper comment les politiques monétaires et budgétaires allaient évoluer et, en fin de compte, leur impact sur les marchés. Cependant, nous n’avons observé que peu d’opportunités vraiment évidentes dans un contexte où les marchés ont continué d’enregistrer de solides performances. Après avoir effectué de nombreuses recherches sur les régions et les marchés, nous avons identifié plusieurs bonnes idées d’investissement.
Environnement macroéconomique
À l’approche de la fin de l’année, nous sommes obligés de trouver un équilibre entre, d’une part, l’impact à court terme de la hausse des taux d’infection et des confinements successifs à l’échelle des régions, et d’autre part l’optimisme à long terme à l’égard d’une réouverture des économies dans le sillage des campagnes de vaccination. Il est très possible que les États-Unis et l’Europe affichent un PIB réel négatif au premier trimestre 2021, puis une croissance supérieure à son rythme tendanciel pendant le reste de l’année. Notre équipe Corporate & Investment Bank prévoit une baisse du PIB américain de 1 % au premier trimestre et une hausse de 3,3 % pour l’exercice 2021.
Dans une certaine mesure, la Chine montre la marche à suivre en vue d’une reprise. Grâce à sa réponse austère en matière de soins de santé, le virus n’a fait que peu de dégâts dans le pays. Les chiffres de la production industrielle, de l’investissement et des exportations sont tous supérieurs aux niveaux antérieurs à la pandémie de COVID-19, tandis que les ventes au détail ne sont que très légèrement inférieures. Nous sommes surpris de constater que l’activité du secteur des services chinois est presque revenue aux niveaux d’avant la crise et que les vols intérieurs des compagnies aériennes ont retrouvé leur pleine capacité. Ces statistiques montrent que les économies ont tendance à retrouver leur rythme de croisière antérieur à la pandémie. Cela ne veut pas dire qu'il n’y aura pas de séquelles sur les marchés du travail dans les secteurs des services des pays les plus durement touchés, mais des campagnes de vaccination généralisées devraient entraîner une reprise dans ces économies que certains observateurs, selon nous, risquent de sous-estimer. Pour assurer une reprise plus rapide, il sera essentiel de faire le lien entre aujourd’hui et la mi-2021 grâce à un soutien monétaire et budgétaire adéquat.
Est-il possible qu’une réouverture généralisée des économies mondiales puisse engendrer créer une forte hausse de la demande et des prix, dans la mesure où le choc de l’offre mettra du temps à se résorber ? La flambée des prix du cuivre et du minerai de fer qui a coïncidé avec la reprise en Chine est un signal inflationniste inquiétant.
À plus long terme, aux États-Unis, l’écart de production1 et le lourd fardeau de la dette2 devraient être à l’origine de fortes pressions désinflationnistes. Mais comment les banques centrales interpréteront-elles un pic d’inflation en 2021 ? La Réserve fédérale peut-elle rester les bras croisés et affirmer avec optimisme que les pressions inflationnistes sont transitoires si le PIB commence à dépasser largement sa tendance de 1,5 % et qu’un certain nombre de mesures de l’inflation approchent les 3 % ? Les investisseurs obligataires accepteront-ils des rendements réels négatifs persistants, ou assisterons-nous à un retour des « gardiens du temple » (bond vigilantes) ? Nous espérons que les banques centrales resteront patientes et n’interviendront pas sur les taux et les bilans jusqu’en 2025 ... mais nous pensons qu’elles feront face à leur premier défi significatif dans les six mois à venir.
Prévisions en termes de scénario
Notre scénario de base continue d’anticiper une croissance supérieure à son rythme tendanciel, et sa probabilité a augmenté de 15 points de pourcentage (pp) à 75 %.
Les mesures de soutien monétaire et budgétaire actuellement en vigueur, l’efficacité des vaccins et les enseignements tirés de l’expérience chinoise sont autant d'éléments qui laissent présager de la solidité de l’économie mondiale en 2021.
La probabilité d’une croissance inférieure à son rythme tendanciel a été réduite de 5 pp, à 15 %. Il est possible que les économies rencontrent des difficultés au moment de réouvrir ou qu’il faille plus de temps que prévu pour distribuer les vaccins. Mais la probabilité est faible que leur croissance soit inférieure à son rythme tendanciel une fois fonctionnelles.
La probabilité des scénarios de récession et de crise a été réduite de 5 % dans les deux cas, à 5 %. Bien qu’improbables, ces scénarios ne sont pas totalement inconcevables. Les risques à court terme pourraient concerner des problèmes avec les vaccins ou une erreur politique entraînant le retrait prématuré des mesures de soutien monétaire et budgétaire.
Risques
Le plus grand risque qui pèse sur nos prévisions est certainement un problème d’efficacité ou d’efficience en matière de distribution des vaccins, qui prolongerait l’hiver rigoureux et déclencherait peut-être une double récession. Dans l’hypothèse d’une réouverture aussi tardive, il serait essentiel que les politiques monétaires et budgétaires restent très accommodantes. Un soutien budgétaire permanent ne peut plus être considéré comme acquis.
Implications en termes de stratégie
Compte tenu de notre scénario de base, le groupe a adopté, à l’unanimité, une approche favorable à la prise de risque. Nous étions préoccupés par les rendements des obligations d’État, craignant un rebond supérieur à celui de notre scénario de base.
Il est peu probable que les banques centrales acceptent une trop forte hausse des rendements obligataires, ce qui entraînerait une augmentation du coût de la reprise ; elles disposent en effet de tous les outils pour « fixer » les rendements à leur convenance. Nous pensons que le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans devrait s’établir entre 1,00 % et 1,25 % au printemps ou un plus tard au deuxième trimestre 2021.
La dette émergente figurait en tête de notre liste d’idées d’investissement, en particulier les emprunts d’État en devises locales. Des rendements réels élevés, une politique monétaire accommodante de la part des banques centrales et une réouverture des économies à l’échelle mondiale devraient profiter à la fois aux obligations et aux devises. De plus, le gouvernement de Joe Biden devrait assouplir les relations des États-Unis avec leurs partenaires commerciaux émergents. Cela devrait encourager les acheteurs à augmenter leurs flux croisés sur ces marchés après des années d’absence.
Les titres bancaires hybrides (AT1)3 figurent également en tête de notre liste d’idées d’investissement. Le resserrement de leurs spreads reste inférieur à celui des autres secteurs du marché obligataire Investment grade (IG), bien que les fondamentaux des banques semblent excellents en cette sortie de crise.
Les obligations bénéficient également d’une demande persistante, les mesures prises par la Banque centrale européenne incitant les investisseurs européens à se positionner sur les segments les plus rentables de leur marché. Les obligations d’entreprises à haut rendement ont également bénéficié d’un certain soutien, l’histoire tendant en effet à montrer que le resserrement des spreads dure des années après une crise, et non des mois.
Enfin, nous avons estimé que faire le tri dans les marchés titrisés pouvait être source de performance. Malgré les difficultés observées dans le secteur de l’immobilier commercial, les titres adossés à des créances hypothécaires commerciales notés A permettent d’investir en tablant sur une réouverture des économies, en offrant un potentiel de performance relativement important pour un niveau de risque modéré grâce au rehaussement de crédit.
Réflexions finales
Nous sommes conscients de vouloir adhérer au consensus tandis qu’il est en train de se former. Ce n’est qu’une fois qu’il le sera pleinement que ces segments seront surinvestis.
Comme la réouverture commence à se profiler à l’horizon et que la reprise devrait s’accélérer, nous pensons que le consensus et les liquidités continueront de s’orienter vers les positions en faveur de la reflation qui ont sous-performé ces derniers mois. Il existe suffisamment de marchés et d’idées d’investissement pour que nous puissions orienter nos portefeuilles vers des performances plus élevées et prendre un bon départ en 2021.
Probabilités des scénarios et implications en termes d’investissement : T1 21
Chaque trimestre, les gérants de portefeuille principaux et les spécialistes sectoriels du pôle obligataire, matières premières et devises de J.P. Morgan se réunissent afin de formuler notre point de vue commun à l’égard de l’évolution à court terme (sur les trois à six prochains mois) des marchés obligataires. À l’occasion de ces discussions, nous examinons l’environnement macroéconomique et analysons chaque secteur sur la base de trois principaux facteurs de recherche : les fondamentaux, les valorisations quantitatives et les dynamiques en matière d’offre et de demande. Le tableau ci-dessous synthétise nos prévisions en vue de divers scénarios possibles, notre évaluation de la probabilité de chacun d’entre eux et leurs implications macroéconomiques, financières et de marché.
Source : J.P. Morgan Asset Management. Opinions en date du 9 décembre 2020.
Les opinions, les estimations, les projections et les prises de position relatives aux tendances des marchés financiers reposant sur les conditions de marché actuelles, nous sont propres et sont susceptibles de changer à tout moment sans préavis. Il n’y a aucune garantie qu’elles se révèlent exactes.
1 Nous estimons que l’écart de production aux États-Unis ne sera pas comblé avant le milieu de la décennie.
2 La dette a augmenté de 7 700 milliards d’USD depuis décembre 2019, selon les données de Bloomberg Barclays.
3 Les obligations supplémentaires Tier 1 sont une catégorie particulière d’obligations émises par les institutions financières. Elles sont perpétuelles et remboursables par anticipation, et sont conçues pour absorber les pertes si le capital chute en dessous d’un certain seuil, auquel cas elles peuvent être converties en actions ou entièrement dépréciées.