Synthèse

  • La croissance des marchés émergents (ME) demeure solide, avec une différence de croissance par rapport aux marchés développés qui devrait rester supérieure aux niveaux historiques.
  • La désinflation dans les pays émergents a atteint son point le plus bas, mais les banques centrales de ces pays disposent encore d'une grande marge de manœuvre pour réduire les taux d'intérêt, compte tenu du niveau élevé des taux actuels.
  • Notre scénario central reste celui d'un atterrissage en douceur des marchés développés. La solidité de la croissance mondiale combinée à l'asymétrie des taux d'intérêt directeurs devrait être bénéfique pour les actifs des pays émergents.
  • Un scénario d'atterrissage en douceur peut encore offrir des performances à un ou deux chiffres sur les marchés émergents pour le reste de l’année, grâce à une combinaison de contributions positives issues de la duration, des spreads et des devises (FX). 

Perspectives de croissance favorables, mais incertitude quant au calendrier des cycles d'assouplissement

Dans les pays émergents, les fondamentaux restent solides malgré une croissance mondiale soutenue, mais l'incertitude quant au calendrier des cycles d'assouplissement pourrait limiter la performance des actifs. Alors que la croissance asiatique semble rester robuste, la croissance reprend d’un niveau plus bas en Amérique latine, en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique (EMEA).

Nous avons revu à la hausse nos prévisions de croissance pour les pays émergents, de 4 % au trimestre dernier à 4,2 %. Nous constatons une normalisation progressive de la croissance dans l'Union européenne et avons revu nos prévisions à la hausse. En revanche, la croissance américaine devrait être plus faible qu'en 2023. Nos prévisions concernant le différentiel de croissance entre les marchés émergents et les marchés développés (MD) - l'alpha de croissance ME-MD - restent globalement inchangées, soit toujours au-dessus des niveaux historiques (Graphique 1).

Les principaux effets de la désinflation dans les pays émergents sont désormais réalisés et l'inflation n'apporte plus le même soutien qu'auparavant. L'inflation est stable dans un certain nombre de pays émergents et des zones comme la région EMEA pourraient être confrontées à des risques de hausse. En particulier, certains pays d'Europe centrale jouent un rôle majeur dans la hausse de l'inflation en Europe. Même si la désinflation a ralenti, certaines banques centrales des pays émergents disposent encore d'une grande marge de manœuvre pour réduire leurs taux d'intérêt, surtout après les récentes hausses. Toutefois, le calendrier des baisses de taux de la Réserve fédérale américaine pourrait limiter l'ampleur et le rythme des cycles d'assouplissement des pays émergents.

Le PIB de la Chine revu à la hausse

Nous avons relevé nos prévisions de PIB de la Chine pour 2024 à 5,0 %, contre 4,8 % au trimestre dernier, grâce à des exportations nettes au premier trimestre plus élevées que prévu et du récent soutien apporté par les pouvoirs publics au marché immobilier, limitant ainsi les risques de baisse. Sur l’année entière, nous nous attendons à ce que les exportations apportent une contribution positive au PIB, grâce à une demande mondiale résiliente et à un nouveau cycle dans le secteur de la technologie, porté par les investissements dans l'intelligence artificielle. Les statistiques relatives à la consommation restent robustes, les dépenses liées au tourisme et les ventes de véhicules électriques continuant de soutenir la consommation chinoise (Graphique 2).

Le marché immobilier a continué de souffrir, sous la pression d'un climat morose dû à la chute des prix de l'immobilier, bien que l’on observe une légère décélération de la baisse sur le marché immobilier secondaire. La Banque populaire de Chine (PBoC) a récemment mis en place un programme de 300 milliards de yuans pour financer l'achat de logements par le gouvernement. Nous nous attendons à ce que le gouvernement prenne davantage de mesures de soutien si les mesures actuelles ne suffisent pas à stabiliser le marché immobilier. Une augmentation des ventes de logements en juin est très probable pour des raisons saisonnières, mais l'évolution future reste très incertaine.

La déflation en Chine diminue graduellement, mais elle joue encore un rôle dans la désinflation mondiale. Cependant, l'impact désinflationniste des exportations chinoises sur l'inflation des marchés développés est de plus en plus menacé par les nouvelles décisions de politique industrielle dans les marchés développés, incluant notamment des risques de sanctions et l’augmentation des droits de douane. Nous pensons que le gouvernement fournira un soutien fiscal aux exportateurs confrontés à des droits de douane importants (à hauteur de 50% ou plus). Toutefois, les droits de douane imposés aux exportateurs chinois devraient se limiter à quelques secteurs et ne devraient pas être généralisés. Si les droits de douane ne sont pas substantiels, les produits chinois resteront compétitifs.

Scénarios d'atterrissage en douceur ou ferme

Les performances des pays émergents depuis le début de l'année ont davantage reflété un scénario d'atterrissage ferme, ce qui représente un scénario relativement neutre pour les actifs des marchés émergents. Toute perspective de hausse à partir de maintenant sera due à un passage du marché vers un scénario d'atterrissage en douceur, qui est notre scénario principal. À moins d'un choc économique important, nous pensons que le scénario le plus probable est un atterrissage en douceur (Graphique 3).

Selon notre scénario de base d'atterrissage en douceur, les marchés émergents pourraient encore enregistrer des performances à un ou deux chiffres pour le reste de l’année grâce à la contribution combinée du portage, de la duration et un regain d'appétit pour le risque. Bien que nous ayons augmenté la probabilité d'une réaccélération de la croissance à 10 %, contre 5 % au trimestre dernier, ce scénario demeure un risque extrême peu probable. Considérant la récession comme un scénario plus probable qu'une reprise de la croissance, les risques de récession aux États-Unis semblent sous-estimés. Dans l’hypothèse d'une récession aux États-Unis, la performance des pays émergents devrait être faible, mais supérieure à celle attendue dans le cadre d'un scénario de réaccélération.

Avec des cycles de réduction des taux des banques centrales des marchés émergents raccourcis en raison de l'incertitude concernant le calendrier des baisses de taux aux ÉtatsUnis, nous privilégions une approche sélective dans notre positionnement sur les taux longs et courts, car les facteurs idiosyncratiques auront probablement une plus grande influence sur le bêta du marché.

Le dollar américain est resté fort et les opérations de portage ont été profitables pendant une longue période. La volatilité des taux de change a été faible, mais elle devrait augmenter à l'approche des élections américaines en fin d’année.

Dans ce contexte, nous préférons maintenir notre stratégie de change à un niveau plus réduit et nous montrer sélectifs dans les opérations de portage sur devises.

Pour les titres souverains, nous préférons en acheter lorsqu'il existe des signes d'amélioration des fondamentaux et que l'offre sur les marchés locaux est plus importante.

Les obligations d'entreprises des pays émergents, dont les écarts de valorisation sont tendus et dont le rendement global semble attrayant, continuent de faire l'objet d'une rotation vers des noms offrant un portage de qualité.

Perspectives de la dette émergente en devise locale

Les baisses de taux des banques centrales des marchés émergents ont été revalorisées pour s'aligner sur un environnement de taux élevés sur une période prolongée. La prime d'inflation devrait maintenant diminuer à mesure que la désinflation se stabilise dans un certain nombre de marchés. En conséquence, les valorisations se sont améliorées et les taux réels ont augmenté sur les parties courtes et longues des courbes de taux. Le risque de réaccélération existe toujours et justifie une certaine prudence. Dans ce contexte, nous continuons à être plus sélectifs, en privilégiant les pays où il existe une marge de manœuvre en matière de taux directeurs et un soutien de la part de la banque centrale (Graphique 4).

Sur le front des devises, notre confiance est plus modérée, étant donné que les baisses de taux de la Réserve fédérale n'ont pas eu lieu. La volatilité des taux de change a été faible, mais il est peu probable que cela se poursuive à l'approche des élections américaines. Nous continuons à privilégier une exposition tactique longue aux devises émergentes, dépendant de la cadence du ralentissement économique américain. Nous nous focalisons sur des opportunités en valeur relative, en privilégiant les stratégies de portage et l’amélioration des fondamentaux.

Le ralentissement de l'économie américaine et l'élection imminente devraient être les principaux facteurs influençant la performance du marché au troisième trimestre. Nous sommes toujours dans un environnement de taux élevés sur une période prolongée, avec moins d'exceptionnalisme américain et une reprise économique plus large.

Les primes de risque idiosyncratique deviendront un thème majeur et nous nous efforcerons à rester sélectifs sur nos choix de taux et devises des pays émergents.

Perspectives de la dette souveraine émergente

L'absence de flux de capitaux et le resserrement des valorisations ont pénalisé les titres souverains des pays émergents. Néanmoins, les investisseurs conservent leurs positions longues et ne sont pas disposés à vendre aux niveaux actuels. Ainsi, nous pensons qu'un environnement de taux élevés sur une période prolongée n'est pas nécessairement un mauvais scénario pour le secteur, en raison du contexte de portage élevé et de la résistance des fondamentaux des marchés émergents. Les signaux techniques sont inversement proportionnels aux valorisations et semblent solides.

De nombreux pays émettent des obligations sur leurs marchés domestiques, assurant une meilleure stabilité pour le financement de leur dette en cours. Les rendements absolus attendus pour le secteur restent élevés compte tenu du contexte de portage élevé. Par conséquent, nous continuons de privilégier les portefeuilles diversifiés de portage avec une duration courte. Les spreads de valorisation sont plus resserrés que le trimestre dernier. Les titres « Investment grade » restent chers, mais demeurent attrayants par rapport à leurs homologues des marchés développés, compte tenu des rendements supérieurs et d'une participation croisée importante. Plus précisément, le segment des titres notés BB, légèrement plus abordable que celui des titres notés BBB, semble attrayant (Graphique 5). Les segments notés B et CCC présentent également un intérêt certain. Cependant, la contribution de ces segments sera plus faible en raison de leur plus petit poids dans l'indice.

Perspectives des obligations d’entreprises des marchés émergents

Les fondamentaux des entreprises restent stables, la plupart des secteurs à l’exception de l'immobilier chinois s’attendent à une croissance positive de l'EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) en 2024. Nous nous attendons à ce que l'Asie affiche la plus forte croissance des bénéfices, suivie par l'Amérique latine. La croissance des bénéfices en Europe centrale et orientale, au Moyen-Orient et en Afrique (CEEMEA) devrait être relativement stable.

Sur le plan sectoriel, nous prévoyons une dynamique plus favorable dans les secteurs de la consommation, des services aux collectivités, du pétrole et du gaz, ainsi que la métallurgie et les exploitations minières. Les bilans des entreprises restent solides dans toutes les régions et la plupart d'entre elles disposent d'une marge pour absorber une hausse des taux d'intérêt et/ou un ralentissement de la croissance. Les marchés libellés en devise local, ainsi que le financement bancaire au niveau local et international, restent des sources de financement alternatives viables pour une grande partie de l'économie, offrant une marge de sécurité supplémentaire. Néanmoins, en cas de tensions prolongées sur les taux, nous pensons que 12 % des émetteurs d'obligations à haut rendement, à l'exclusion de certains noms dans l'immobilier chinois, seraient sous pression. À ce stade, nous considérons ce scénario de crise comme un risque extrême avec une faible probabilité.

Dans l'ensemble, les spreads des indices des obligations d'entreprises IG se situent à des niveaux historiquement bas, même si, les spreads du segment BB du marché des obligations à haut rendement pourraient encore se resserrer (Graphique 6). Nous notons également que la duration de l'indice a diminué et que la composante qualité de l'indice a augmenté au cours des dernières années, ce qui, en cas d'ajustement, permettrait à l'indice de se négocier à des niveaux plus serrés que dans le passé. Les spreads de crédit peuvent rester dans une fourchette basse pendant un certain temps, et le rendement global actuel est encore historiquement intéressant.

Au cours du prochain trimestre, nous continuerons à privilégier les opportunités en valeur relative et les opérations de portage à forte conviction dans toutes les régions. En termes de valeur relative, c'est en Amérique latine que nous voyons le plus d’intérêt, suivie de la région CEEMEA et de l'Asie.

Sur le plan technique, la situation reste solide malgré d’importants financements négatifs, sous l'impulsion de l'Asie. Compte tenu de la solidité des paramètres fondamentaux et techniques, ainsi qu’une vue globalement favorable de la croissance mondiale, nous sommes confortables à maintenir une exposition à la duration lorsque les spreads le permettent. Notre positionnement est globalement assez proche de l'indice de référence, compte tenu des risques d'un atterrissage brutal et d'une réaccélération de la croissance. En cas de reprise des pressions inflationnistes, nous sommes bien positionnés, avec un biais en faveur du portage de qualité. Les obligations notées BB offrent une meilleure valeur relative.

Indices utilisés pour le calcul des performances et des spreads:

Dette d’entreprises des pays émergents: J.P. Morgan Corporate EMBI Broad Diversified

Dette souveraine des pays émergents: J.P. Morgan EMBI Global Diversified

Dette émergente en devise locale: J.P. Morgan GBI-EM Global Diversified Composite Unhedged USD