Synthèse

  • La croissance de l’économie américaine se ralentit, ce qui soulève la question de savoir s’il s’agit d’une récession ou d’un simple ralentissement anodin. Notre scénario de base prévoit toujours un ralentissement progressif et bénin de la croissance aux alentours de 2 %.
  • Le récent discours du président de la Réserve fédérale à Jackson Hole dans le Wyoming a confirmé que pour les responsables monétaires, la poursuite de la désinflation ouvrait la voie à un cycle d'assouplissement au niveau mondial.
  • La désinflation devrait se poursuivre à un rythme accéléré. Nous restons néanmoins neutres sur la duration U.S., car les anticipations de baisse des taux du marché nous semblent excessives à l’heure actuelle.
  • Nous maintenons notre préférence pour les actions américaines, tout en gardant un oeil attentif sur le positionnement du marché et les facteurs techniques.

L’environnement économique actuel se caractérise par un ralentissement de la croissance, ce qui est conforme à notre scénario de base, qui prévoyait un rééquilibrage du marché du travail par rapport aux conditions extrêmement tendues de 2022. Ce ralentissement de la croissance place toutefois les investisseurs devant une question difficile : est-ce le signe précurseur d'une récession, ou un ralentissement plus bénin qui finira par prolonger le cycle actuel ?

Nous pensons qu'il s'agit de la deuxième hypothèse, même si cette tendance baissière est inconfortable pour les acteurs du marché, qui se trouvent obligés de recalibrer leurs attentes en matière de croissance.

Les chiffres récents sont conformes au scénario d’un atterrissage en douceur

Nous maintenons notre scénario de base, qui prévoyait un ralentissement progressif de la croissance américaine jusqu’à un taux proche de la tendance, soit environ 2 %. Ce scénario offre la possibilité d’une prolongation du cycle actuel. Nous attribuons une probabilité de 20 % à l’éventualité d’une récession américaine au cours des 12 prochains mois, ce qui est légèrement supérieur à l'estimation de base de 15 % pour une année donnée.

Les récessions correspondent généralement à un changement de comportement de l’économie provoqué par l'interaction d'un choc négatif avec des déséquilibres économiques accumulés pendant le cycle qui s’achève. Le cycle de hausse des taux de la Réserve fédérale (Fed) sur la période 2022-23 pourrait être considéré comme un choc de cette nature en raison de l’ampleur et de la rapidité du resserrement monétaire ainsi mis en oeuvre. Cependant, les facteurs qui précipitent généralement une récession, comme par exemple des signes d'exubérance, un effet de levier excessif ou des déséquilibres importants, ne sont pas présents, ce qui nous conforte dans l'idée que le risque d’une récession aux États-Unis est relativement limité.

Les indicateurs économiques actuels ne laissent pas non plus présager une récession imminente. Les tendances qui se dégagent des chiffres récemment publiés montrent que la trajectoire de désinflation de l'économie américaine est inchangée, avec en toile de fond une croissance économique toujours résiliente. L’inflation modérée de l’IPC en juillet est venue confirmer cet avis optimiste sur l'inflation, contrebalançant les surprises à la hausse du début de l'année. Pour l'avenir, nous nous attendons toujours à une certaine désinflation dans les services de base, en particulier le logement, en prévoyant que l'inflation sous-jacente se rapprochera de l'objectif de la Fed en 2025 dans un contexte de relâchement des tensions sur les salaires.

La consommation américaine apparait également solide. La vigueur des ventes au détail en juillet, en hausse de 1,0 % par rapport au mois précédent (la mesure de contrôle s’établissant à +0,3 %), a apaisé la crainte d’une détérioration de la demande. Associée aux effets de report positifs des mois précédents, cette tendance montre que les dépenses de consommation sont bien parties pour s’établir à environ +2 % en rythme annuel au troisième trimestre. Les demandes initiales d’allocations de chômage ont cessé d’augmenter au cours des trois dernières semaines, venant contredire encore plus l'idée d'un effondrement imminent de la demande américaine.

Un cycle synchronisé d’assouplissement monétaire au niveau mondial

Les chiffres récents associés à notre point de vue sur le cycle nous amènent à prévoir que la Fed commencera à abaisser ses taux au mois de septembre. Les remarques de son président Jérôme Powell à l’occasion du symposium annuel de Jackson Hole, selon lesquelles « le temps est venu pour la politique de s'ajuster », confortent cet avis, même s’il n’a pas précisé s’il s’agirait d’une baisse de 25 ou 50 points de base. Cette décision dépendra des données à venir, en particulier des chiffres d’emploi du mois d’août.

Le discours de M. Powell était plutôt dovish, mettant l’accent sur l'importance accordée par la Fed au marché du travail et à la diminution des risques d'inflation. Il a noté que l'inflation des salaires nominaux s’était modérée et que les conditions du marché du travail étaient moins tendues qu'avant la pandémie, ce qui réduit la probabilité d'une inflation induite par l’emploi. M. Powell a souligné que la Fed ne cherchait pas à calmer davantage le marché du travail, mais visait plutôt à maintenir un niveau d’emploi solide tout en atteignant une inflation de 2 %.

Les commentaires de M. Powell laissent à penser que la Fed adoptera une approche flexible, en se gardant la possibilité de réductions plus importantes si celles-ci s’avéraient nécessaires pour corriger une éventuelle faiblesse du marché du travail. Ce changement de ton montre que l’attention de la Fed s’est déplacée de l'inflation vers l'emploi - et que les responsables de la politique monétaire sont attachés à une approche de la gestion des risques tournée vers l'avenir. Nous continuons de penser que la Fed entamera son cycle d'assouplissement par une première baisse de 25 points de base en septembre, suivie de deux à trois baisses similaires d’ici la fin de l’année.

Plus généralement, les commentaires des responsables monétaires présents à Jackson Hole confirment que les progrès de la désinflation ont ouvert la voie à un cycle d'assouplissement mondial. La Banque centrale européenne, la Banque d'Angleterre et la Banque du Canada ont déjà commencé à assouplir leur politique monétaire et devraient continuer à baisser leurs taux, à l’instar de la Fed. Dans certains cas, ces banques centrales pourraient se montrer encore plus volontaristes en matière de baisse des taux si l'inflation continuait de coopérer, ce qui soutiendrait encore davantage l'expansion économique mondiale.

Implications pour les classes d’actifs

La modération de l'inflation permet aux banques centrales de ramener les taux vers des niveaux plus neutres, ce qui est particulièrement favorable à la duration en Europe, au Royaume-Uni et dans les régions où la croissance est faible alors que l’inflation se ralentit. Cet environnement devrait permettre aux investisseurs de profiter de conditions monétaires et boursières plus favorables.

Aux États-Unis, nous conservons un positionnement neutre sur la duration. Le marché anticipe en effet des baisses de taux totalisant plus de 200 points de base pour le cycle à venir, alors que nous ne prévoyons que quatre à six baisses de 25 points de base. Nous estimons que la fourchette de rendement des obligations américaines à 10 ans se situe entre 3,75 et 4,5 %.

Bien que le marché soit plus proche de la limite inférieure de cette fourchette, nous pensons que le moment n’est pas encore venu de sous-pondérer la duration dans nos portefeuilles. Il y a trois grandes raisons à cela : la volatilité actuellement élevée du marché obligataire (l'indice MOVE est toujours supérieur à 100, contre une moyenne à long terme de 90) fait qu'il est difficile d'avoir une forte conviction dans un sens ou dans l’autre.

Deuxièmement, dans les périodes d’inquiétude quant à la croissance, la corrélation entre les actions et les obligations peut devenir négative, ce qui renforce l’intérêt de détenir des obligations pour la diversification. Enfin, nous préférons attendre que la Fed commence à baisser ses taux avant de réévaluer notre position sur la duration.

Concernant les actions, nous conservons une préférence pour les actions américaines. La résilience du contexte macro-économique (qui correspond à notre scénario de base) devrait continuer à soutenir la demande, ainsi que la croissance du chiffre d'affaires des entreprises. Nos prévisions de croissance des bénéfices nous incitent également à privilégier les actifs risqués. Nous continuons de penser qu'une croissance des bénéfices de l’ordre de 8 % en glissement annuel est réalisable pour 2025.

Les bons résultats trimestriels des entreprises américaines pour T2 2024, qui font ressortir une croissance des bénéfices d'environ 11 % au lieu des 8 % attendus, ont apporté une preuve supplémentaire que la santé des entreprises restait globalement satisfaisante. Si les « Six Magnifiques » et leurs secteurs d’activité (services de communication et technologies de l’information) ont largement contribué à la progression des bénéfices du deuxième trimestre, d'autres secteurs sont enfin sortis de leur récession pour afficher des bénéfices en hausse. Il s’agit notamment de la santé et des services collectifs, ce qui confirme nos prévisions selon lesquelles la croissance des bénéfices allait s’étendre au-delà des leaders technologiques habituels.

Si nous continuons à privilégier le marché des actions américaines, nous reconnaissons également que notre scénario de base d'un rééquilibrage économique, dans lequel la croissance américaine est appelée à ralentir progressivement pour s’établir à environ 2 %, semble déjà intégré dans le multiple cours/bénéfice actuel de 21,2x (figure 1).

Pour être clairs, nous pensons que l’augmentation des valorisations sera probablement limitée. Nous estimons toutefois que la solidité des bénéfices et de l’environnement macroéconomique pourrait aider les marchés boursiers à conserver leur élan.

Au vu des valorisations actuelles, il devient toutefois important de surveiller les facteurs techniques et le positionnement sur les actions. Si les différents indicateurs de positionnement et les données techniques commençaient à montrer des signes de tension, il serait prudent de redimensionner les portefeuilles trop exposés au risque.

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Au 31 mars 2024.