
Synthèse
- Lors de sa dernière réunion, la Réserve fédérale (Fed) a laissé ses taux inchangés et a tenté de ramener le calme dans un contexte marqué par d’importantes incertitudes sur les politiques et les données économiques aux États-Unis. Nous prenons acte que la Fed a toujours dans l’idée de poursuivre l’assouplissement de sa politique.
- Le degré d’incertitude est également très élevé en dehors des frontières américaines. L’Allemagne, la France et d’autres pays de la zone euro envisagent d’accroître leurs dépenses en matière de défense et d’infrastructures, et la Chine prévoit également d’augmenter ses dépenses budgétaires.
- L’augmentation des droits de douane sur les importations américaines va selon nous renforcer l’inflation et peser sur le PIB, mais la situation financière des entreprises et des ménages américains est suffisamment bonne pour résister.
- La probabilité d’une Croissance inférieure à la tendance est désormais beaucoup plus forte (60 %). Les caractéristiques de la politique budgétaire américaine sapent la confiance des ménages et des entreprises, ce qui réduit la probabilité d’une Croissance supérieure à la tendance (10 %). La probabilité d’une contraction de l’économie a augmenté mais reste assez faible (30 % d’une probabilité combinée de récession ou de crise).
- En termes d’idées de positionnement, nous pensons qu’il est judicieux d’augmenter l’exposition à la duration via des emprunts d’État américains et britanniques, la dette souveraine locale des marchés émergents et le crédit titrisé à duration courte. Nous réduisons notre sensibilité au crédit en augmentant la qualité ou en allégeant les positions.
Notre Comité d’Investissement trimestriel de mars s’est tenu à New York le lendemain du statu quo sur les taux annoncés par la Réserve fédérale (Fed). Face aux nombreux soubresauts et à une volatilité élevée sur le marché, provoqués par les politiques de l’administration Trump, la Fed a tenté de ramener le calme en stabilisant sa politique monétaire. Nous étions loin d’anticiper de telles tendances lors de notre précédent Comité d’Investissement en décembre. Nous pensions qu’un nouveau gouvernement pro-croissance serait mis en place et que les performances des marchés boursiers serviraient d’indicateur de succès des politiques menées.
Des perturbations étaient certes probables sous l’effet des politiques liées aux échanges commerciaux et à l’immigration, mais nous pensions qu’elles seraient suivies d’un vaste mouvement de déréglementation et d’une expansion de la politique budgétaire. Nous estimions également que les politiques de la nouvelle administration seraient ordonnées et orchestrées, de manière à offrir un filet de sécurité aux marchés financiers. Au lieu de tout cela, nous, comme la Fed, sommes confrontés à un programme en mode « tout, partout, en même temps ».
Notre Comité s’est rapidement rendu compte qu’il devait changer de priorité pour s’adapter à l’évolution rapide du contexte macroéconomique. Nous savions que personne ne pouvait anticiper pleinement ce qui allait se produire et que nous devions analyser de manière rigoureuse les économies et les marchés pour déterminer leur capacité de résistance à l’impact probable des politiques qui se profilaient. Les États-Unis ne sont pas le seul pays où les politiques ont radicalement évolué.
Au moment de notre réunion, l’Allemagne s’apprêtait en effet à mettre un terme à près d’un siècle d’austérité et à se lancer dans des dépenses budgétaires massives. La Chine envisageait également d’augmenter sensiblement ses dépenses budgétaires.
Et toute une série de pays étaient sur le point de répondre aux droits de douane américains par de nouvelles mesures de représailles.
Face à cette volatilité et à cette confusion, notre Comité a identifié de nombreuses d’idées d’investissement. Nous avons par ailleurs pris acte de la persistance probable de la volatilité, pendant peut-être encore trois ans et dix mois.
Contexte macroéconomique
La montée des tensions commerciales à l’échelle mondiale est certes préoccupante en raison de la stagflation qu’elle pourrait occasionner, mais les entreprises et les ménages semblent disposer des moyens financiers nécessaires pour absorber le choc. L’économie américaine affiche un rythme de croissance du PIB proche de 2 % et une inflation qui oscille autour de 2 %. Nous pensons que le taux effectif des droits de douane sur les importations américaines va augmenter et finir par s’établir autour de 10 % en moyenne, ce qui devrait entraîner une baisse du PIB d’au moins 1 % et maintenir temporairement l’inflation à un niveau élevé, proche de 3 %.
Bien qu’il soit inconfortable, ce scénario économique n’entraînera pas de récession tant que les effets de l’inflation restent temporaires, ce qui permettrait à la Fed de soutenir la demande via quelques baisses de taux. La situation financière des ménages semble de bonne facture, comme l’illustrent le taux de chômage et la croissance des salaires, tous deux aux environs de 4 %.
En utilisant diverses stratégies pour absorber en partie l’augmentation du coût des facteurs de production, tout en en répercutant une partie sur les consommateurs, les entreprises américaines devraient également pouvoir résister à l’augmentation des droits de douane. Les taux de croissance des chiffres d’affaires et de l’EBITDA se sont stabilisés au quatrième trimestre, à 5 % et 2,6 % respectivement, et les marges restent relativement élevées, aux alentours de 15 %.
Selon notre scénario central en matière de droits de douane, les taux de croissance des chiffres d’affaires et de l’EBITDA pourraient retomber à 2,5 % et 2,3 %, respectivement, ce qui, sans être idéal, est gérable. En outre, si les entreprises et les ménages venaient à subir des pressions plus fortes que prévu, la Fed dispose d’une grande marge de manœuvre pour abaisser les taux et amortir l’impact d’une guerre douanière. En l’état actuel des choses, l’économie américaine peut résister à une tempête potentiellement forte.
Il semble également que l’exceptionnalisme du dollar américain (USD) ait fini par atteindre son apogée. Depuis que la Fed a cessé de relever ses taux en 2023 et a commencé à les abaisser en 2024, les investisseurs tablent sur une moindre vigueur du dollar. Toutefois, l’inexistence d’une autre monnaie de réserve et la santé relative de l’économie américaine ont encore soutenu le billet vert. Avec du recul, les quelque 10 000 milliards de dollars dépensés par la multitude de programmes de soutien déployés lors de la pandémie de COVID ont permis aux États-Unis d’atteindre un taux de croissance supérieur à celui des économies concurrentes.
Alors que le PIB par habitant de l’Allemagne représentait 95 % du PIB par habitant américain en 2008, la proportion est retombée à 66 % aujourd’hui. Si les États-Unis ont peut-être surinvesti dans leurs capacités domestiques, de nombreux pays ont parallèlement sous-investi dans leurs propres moyens. Mais la situation est manifestement en train de changer, puisque la France, l’Allemagne et la zone euro dans son ensemble envisagent d’emprunter, de dépenser et de stimuler l’activité économique via de nouveaux programmes de financement en matière de défense et d’infrastructures.
La pause de la Fed est selon nous justifiée jusqu’à ce qu’elle se fasse une idée plus claire de l’ampleur et de la durée de la politique tarifaire. Elle doit également évaluer l’impact des initiatives du ministère de l’efficience gouvernementale (Department of Government Efficiency - DOGE) sur les effectifs des services fédéraux et la manière dont les collectivités locales et les États pourront absorber les conséquences.
La Fed a toutefois précisé qu’elle n’hésiterait pas à saisir la moindre occasion pour abaisser les taux. Dans la dernière version de sa synthèse des projections économiques, elle insiste sur le risque de détérioration de l’économie et les incertitudes qui se profilent. Ses membres estiment que le taux neutre des Fed funds est désormais plus proche de 3 % que de 4 %. Nous tablons sur deux nouvelles baisses des taux de la Fed cette année, à 3,875 %. Cette perspective devrait permettre au rendement des bons du Trésor américain à dix ans de s’établir dans une fourchette autour de 4 %, probablement ente 3,75 % et 4,50 %.
Prévisions en termes de scénario
La probabilité du scénario d’une croissance supérieure à la tendance a chuté, de 40 % à 10 %. La probabilité d’une réaccélération de l’économie nous semble limitée car les mesures de l’administration Trump laissent peu de place à une expansion budgétaire de grande ampleur, puisque toute extension des baisses d’impôts serait compensée par une diminution des dépenses. La probabilité d’une Croissance inférieure à la tendance a été relevée de 40 % à 60 %. La probabilité d’un ralentissement modéré s’est accrue avec l’entrée en vigueur de nouveaux droits de douane le 2 avril, lesquels ont déjà entamé la confiance des ménages et des entreprises. La probabilité d’une récession est passée de 10 % à 20 % en raison de la possibilité accrue d’une erreur préjudiciable de la part de l’administration. Le scénario d’une Crise est resté inchangé à 10 %.
La conjonction des guerres douanières, des multiples décrets de D. Trump et des décisions de politique monétaire crée une « prime à l’exécution ».
Risques
Le risque d’une contraction de l’économie est plus élevé que celui d’une réaccélération marquée. Si l’administration américaine reste convaincue que les termes de l’échange sont inéquitables et doivent être rééquilibrés quel qu’en soit l’impact économique, des mesures de rétorsion et une guerre commerciale totale sont tout à fait possibles.
En outre, les coupes claires du DOGE pourraient déjà avoir un effet domino et entraîner des conséquences involontaires. Les licenciements massifs dans les services fédéraux et la réduction de leurs programmes ont eu pour effet de transférer de nombreuses attributions aux autorités des États et des collectivités locales. Sans subventions fédérales, ces instances pourraient également être contraintes de réduire leur personnel. Si les projets de réduction des effectifs de l’administration ne manquent pas d’intérêt, il faut rappeler que les recrutements opérés dans les administrations locales et d’État, ainsi que dans les secteurs interdépendants de l’éducation et de la santé, ont largement soutenu le marché du travail depuis le début de la pandémie de COVID.
Les risques d’accélération de l’économie et de l’inflation sont beaucoup plus modestes, mais ils ne sont pas nuls. Comme des sommes d’argent importantes circulent toujours dans le système, un revirement de l’administration sur les droits de douane et la mise en place concomitante d’un programme de dépenses budgétaires (négociée par le Congrès) pourraient relancer la machine économique. Les marchés ne sont clairement pas prêts à ce que la Fed doive à nouveau relever ses taux pour contrôler l’inflation.
Conséquences sur la stratégie d’investissement
Près de 60 % de nos meilleures idées d’investissement ont impliqué (d’une manière ou d’une autre) une exposition accrue à la duration via la dette souveraine à plus longue échéance aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais aussi sur les marchés émergents. Nous n’avons pas complètement liquidé nos allocations au crédit puisque la probabilité d’une récession demeure faible, mais nous avons réduit notre sensibilité au crédit, soit en augmentant la qualité, soit en allégeant nos positions.
Les emprunts d’État américains et britanniques à cinq et dix ans, la dette souveraine émergente en devises locales et le crédit titrisé à duration courte ont figuré parmi nos meilleures idées de positionnement. Nous avons également évoqué les MBS d’agences, les émissions investment grade du secteur financier et les positions vendeuses sur le dollar.
Conclusions
Si la probabilité d’une absence de récession ou de crise reste de l’ordre de 70 %, la donne a changé. Le cocktail composé d’un PIB inférieur à la tendance et d’une inflation supérieure à l’objectif fera émerger un contexte difficile pour les marchés. Les entreprises et les marchés font preuve de complaisance vis-à-vis des droits de douane, qu’ils voient soit supprimés, soit renégociés.
Il sera crucial de surveiller la réaction des entreprises à la hausse des coûts des facteurs de production et comment elles tenteront de protéger leurs marges via des réductions d’effectifs. Nous préférons donc faire preuve d’attentisme pendant encore deux mois en maintenant des niveaux de duration plus longs sur des titres de meilleure qualité.
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