T2 2024 : Des perspectives optimistes

Synthèse

  • Notre scénario central reste celui d’une croissance résiliente dans les pays émergents et d’un atterrissage en douceur dans les pays développés, une configuration probablement favorable à la dette des marchés émergents.
  • L’alpha de croissance entre pays émergents et développés demeure élevé malgré une accélération de la croissance américaine. L’inflation dans les pays émergents est mieux encrée que dans les pays développés, tandis que les banques centrales des pays émergents peuvent encore réduire leur taux, même si le rythme de leur assouplissement pourrait être remis en cause par le calendrier des baisses de taux de la Réserve Fédérale.
  • Notre scénario d’atterrissage en douceur implique une baisse des rendements des bons du Trésor américain, une dépréciation du dollar américain et des performances élevées pour la dette émergente, entre 8 à 10 %, en 2024.

Les perspectives de croissance des pays émergents sont toujours aussi résilientes

Les fondamentaux des pays émergents continuent à bénéficier de l’embellie microéconomique, en particulier dans les pays frontières. La Chine reste le plus marché émergent mais son influence est probablement à son apogée, ce qui pousse à s’intéresser aux pays émergents « hors Chine ». Nous prévoyons une croissance d’environ 4 % des pays émergents en 2024, grâce à la stabilité globale de l’Asie et à la reprise anticipée en Amérique latine au second semestre. Nous avons révisé à la hausse nos prévisions de croissance pour les États-Unis et nous tablons sur une croissance inférieure à la tendance en Europe, avec une stabilisation progressive. Malgré la révision à la hausse de la croissance américaine, nous prévoyons un alpha de croissance élevé entre les pays émergents et développés proche de 2,6 %, ce qui est supérieur aux niveaux historiques (Graphique 1).

L’inflation dans les pays émergents continue à diminuer en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique (EMEA) et en Amérique latine. En revanche, elle reste faible en Asie. Ces prévisions d’inflation favorables devraient permettre aux banques centrales de ces pays de réduire leurs taux d’intérêt jusqu’en 2025. Toutefois, le retard potentiel des baisses de taux aux États-Unis a remis en question la rapidité avec laquelle les banques centrales des pays émergents pourront baisser les leurs.

Nous sommes un peu plus optimistes à l’égard de la Chine que le consensus de marché.

Selon nous, la Chine enregistrera une croissance de 4,8 % en 2024, soit à peu près le même rythme qu’en 2023. Toutefois, en 2023, la croissance avait bénéficié d’effets de base favorables ; nous pensons donc que pour atteindre une croissance similaire cette année, il faudra que les autorités redoublent d’efforts sur les plans budgétaire, du crédit et monétaire. Si le marché est « baissier » à l’égard de la Chine, nous sommes légèrement plus optimistes. Nous pensons en effet que les dernières nouvelles sont, dans une large mesure, déjà intégrées dans les prix, et que les mesures de soutien devraient permettre d’atteindre les objectifs économiques, ce qui alimentera la croissance globale des pays émergents.

Alors que l’objectif pour le déficit budgétaire nominal reste fixé à 3 %, les 1 000 milliards de CNY de nouvelles émissions d’emprunts d’État récemment annoncées, en plus des 1 000 milliards de CNY déjà émis au quatrième trimestre 2023, porte le déficit budgétaire nominal effectif à près de 3,8 % du PIB. En outre, la facilité de crédit PSL (Pledged supplementary lending), les réductions/abattements d’impôts et d’autres mesures en lien avec le crédit devraient encore creuser le déficit budgétaire. La politique monétaire reste accommodante et cette tendance devrait se poursuivre, mais tout assouplissement potentiel sera probablement mis en oeuvre de manière plus ciblée. La masse monétaire sera pilotée en fonction des objectifs de croissance économique et d’inflation, ce qui implique une hausse de l’inflation - un objectif prioritaire pour la Banque populaire de Chine (PBoC) cette année.

Le secteur de l’immobilier reste sous pression, au point que les prévisions de ventes pour 2024 ont été revues à la baisse en raison de la faiblesse des ventes lors des deux premiers mois de l’année. Le sentiment à l’égard du secteur ne montre que peu de signes d’embellie, malgré une légère décélération du rythme des baisses de prix des logements en janvier. Les perspectives de l’immobilier chinois restent donc très sombres, mais nous pensons que le logement, soutenu par de vastes projets, va progressivement devenir moins pénalisant. De plus, alors que la contribution du secteur au PIB total est en baisse, d’autres secteurs (comme les nouvelles énergies) prennent le relais (Graphique 2).

Scénarios d’atterrissage en douceur ou ferme

Dans notre scénario central d’atterrissage en douceur, nous prévoyons une croissance américaine inférieure à la tendance et une inflation qui se rapproche de l’objectif, un contexte propice à des baisses de taux modestes de la Réserve fédérale (Fed) (Graphique 3). Dans ce scénario, l’alpha de croissance entre pays émergents et développés devrait s’améliorer avec un ralentissement de l’économie américaine, tandis que les banques centrales des pays émergents vont poursuivre leurs cycles de baisse des taux, grâce à une inflation qui continue à refluer. Malgré les performances décevantes de la dette émergente depuis le début de l’année, après une fin d’année 2023 en fanfare, un atterrissage en douceur constituerait un contexte favorable en termes de risque et de duration pour la classe d’actifs. Ce scénario implique une baisse des rendements des bons du Trésor américain, une dépréciation du dollar américain et de solides performances pour la dette émergente, de l’ordre de 8 % à 10 %, en 2024, avec une probable surperformance de la dette libellée en devise locale.

Nous pensons que la probabilité d’une récession aux États-Unis a diminué en raison de l’amélioration des statistiques de croissance, et le marché lui non plus n’anticipe pas de récession. Ce trimestre, nous avons ajouté un scénario supplémentaire de « réaccélération » sur la droite de notre feuille de route, qui serait le pire pour les actifs liés à la dette émergente. Actuellement, la probabilité d’un scénario de réaccélération est très faible. Nous pensons plutôt que le scénario alternatif le plus probable à notre scénario central est un atterrissage ferme, qui empêcherait la Fed de réduire son taux directeur cette année en raison d’une baisse trop lente de l’inflation. Un scénario d’atterrissage ferme pourrait entraîner un réajustement des valorisations dans tout l’univers de la dette émergente et se traduire par une stagnation des performances totales. Mais en fin de compte, un scénario d’atterrissage ferme pourrait offrir un meilleur point d’entrée pour accroître l’exposition des portefeuilles au risque et à la duration.

Alors que nous nous éloignons des risques extrêmes de récession, nous privilégions les titres de bonne qualité et certains émetteurs en stress financier. La classe d’actifs regorge également de profils individuels très intéressants dans la mesure où les rehaussements de notations de crédit devraient être plus nombreux que les dégradations cette année. Nous allons donc chercher à réduire notre exposition aux titres de crédit à bêta élevé pour nous renforcer sur des signatures offrant un portage accru, les marchés intégrant désormais l’amélioration de la situation microéconomique.

Perspectives de la dette émergente en devise locale

Les performances de la dette émergente en devise locale viennent de la duration et du portage depuis le début de l’année, avec une différenciation très faible. La désinflation se poursuit et les taux des ME se comportent bien. Nous restons longs en duration en cas de soutien des banques centrales. Les baisses de taux de la Fed et de la BCE conforteraient donc notre conviction vis-àvis de notre positionnement en duration. Nous sommes plutôt longs sur les devises, mais nous souhaitons intervenir de manière tactique en fonction de la rapidité du ralentissement américain dans les mois à venir.

Une baisse des taux de la Fed en juin pourrait être le principal moteur de l’alpha au trimestre prochain.

Nous conservons un biais long structurel sur les taux asiatiques et sommes convaincus de notre surpondération en duration en l’absence de signes d’inflation dans la région.

La désinflation devrait se poursuivre dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et nous n’observons aucune dynamique inflationniste en Amérique latine. Nous avons l’intention de surpondérer ces régions, où les banques centrales abaissent leurs taux et où les rendements réels sont élevés. Nous allons également chercher à nous positionner sur des titres de certains marchés frontières présentant un profil intéressant.

Sur le front des devises, alors que les opportunités de portage étaient très élevées dernièrement, nous pensons qu’elles vont diminuer au cours du trimestre. C’est pourquoi nous allons chercher à moins miser sur les opportunités de portage et à initier des positions sur des titres de qualité si nous décelons un potentiel en termes de valeur relative.

Perspectives de la dette souveraine émergente

Le segment des titres souverains émergents reste notre secteur préféré dans l’univers de la dette émergente, grâce à des taux de croissance résilients, même s’il est indispensable de faire preuve de sélectivité au niveau des pays. Sur le segment des émetteurs notés B, nous avons observé récemment le déploiement de réformes et des redressements intéressants. Ces réformes devraient selon nous se poursuivre, avec le soutien du Fonds monétaire international. On constate un marché à deux vitesses en matière de valorisation : les titres « investment grade » et BB sont proches de leur juste valeur, tandis que les titres notés B et les émetteurs en difficulté offrent toujours un potentiel de valorisation. La situation reste favorable sur le plan technique, avec une demande solide pour les titres cross-over.

La majorité de l’indice (env. 90 %) bénéficie des rendements plus élevés et toute nouvelle compression des spreads dépendra des baisses de taux de la Fed. Le segment de moindre qualité (env. 10 %) est encore bon marché et nous tablons sur une compression des spreads, puisqu’il relativement insensible au calendrier des baisses de taux de la Fed. Dans ce contexte, nous avons décidé de changer de stratégie, en sous-pondérant le facteur « spread duration » (sensibilité de la valeur d’un titre à une variation de son spread de crédit) et en surpondérant la volatilité de la duration du spread (DTS).

Pour le trimestre à venir, nous comptons nous intéresser à certains titres notés BB qui recèlent encore un potentiel de valorisation. Nous allons également prendre des positions courtes en duration si le portage semble attractif, et sur des crédits CCC/en difficulté, qui bénéficient de la solidité des données macroéconomiques, grâce à la demande accrue pour les actifs risqués, pour reprendre des couleurs.

Perspectives des obligations d’entreprises des marchés émergents

Les fondamentaux des entreprises restent stables, avec des perspectives de croissance favorables et des bilans solides qui protègent la classe d’actifs. Ce sont les entreprises asiatiques qui devraient enregistrer la plus forte croissance de l’EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement), suivies par celles de la région EMEA et de l’Amérique latine. Les secteurs asiatiques des technologies, des médias et des télécommunications et de la consommation devraient être les principaux catalyseurs de cette croissance. La plupart des secteurs devraient croître, à l’exception de l’immobilier, du secteur des mines et métaux de la région EMEA et des services aux collectivités en Amérique latine. Les taux de défaut devraient renouer avec des niveaux assez proches de ceux des marchés développés, tandis que les sources de risque restent spécifiques aux entreprises et non systémiques. Le mur des échéances de la dette atteindra un pic en 2026 et concernera surtout les secteurs de la finance et de l’immobilier. Selon nous, certains émetteurs souffrent de difficultés qui leur sont propres et il est peu probable qu’elles se répercutent sur le reste du marché de la dette émergente.

Les valorisations des entreprises sont assez élevées alors que le marché est en quête de portage. Les indicateurs relatifs aux performances totales sont très intéressants, malgré les spreads resserrés, qui devraient selon nous rester en l’état pendant un certain temps grâce à des fondamentaux toujours favorables et à la recherche ininterrompue de portage. Les financements nets devraient être largement négatifs en 2024. Les émissions d’entreprises asiatiques investment grade continuent à baisser de manière significative, mais sont compensées par une augmentation des émissions dans la région EMEA, en particulier au Moyen-Orient et en Turquie. Par conséquent, nous continuons à privilégier les opportunités en valeur relative et un panier de titres à portage élevé.

Nous pouvons encore accroître notre niveau de risque et sommes également disposés à inclure une exposition au haut rendement ; toutefois, comme les profils individuels sont importants, nous ciblons les entreprises dont le risque de refinancement est faible.