Bulletin Mensuel – Multi-Asset Solutions
Marchés internationaux et portefeuilles multi-actifs
27-04-2023
Preeti Parashar
Sylvia Sheng
Synthèse
Les turbulences du secteur financier semblent relativement contenues. Les données récentes continuent de refléter un ralentissement de la croissance mondiale et un certain relâchement des pressions inflationnistes. Les risques de récession restent élevés.
Par rapport aux autres économies, l'économie chinoise présente à nos yeux un potentiel cyclique plus important grâce à la reprise de la consommation et à la stabilisation du secteur immobilier. Le soutien monétaire toujours présent devrait contribuer à restaurer la confiance au sein du secteur privé.
Notre positionnement reste dominé par la prudence. Nous conservons une surpondération de la duration à plus longue échéance, ainsi qu'une légère sous-pondération des actions. Nous observons toutefois des opportunités de valeur relative dans toutes les régions. Les actions des marchés émergents devraient faire preuve de résilience, soutenues par la reprise économique chinoise, des valorisations attrayantes et un dollar orienté à la baisse.
La reprise chinoise alimente la résilience des actions émergentes
Les marchés se sont calmés après les turbulences qui ont secoué le secteur bancaire au début du mois de mars. Les données récentes montrent que ces turbulences sont restées relativement contenues alors que la pression se relâchait en matière de financement. Les prêts d'urgence aux banques de la Réserve fédérale (Fed) se sont largement stabilisés après une première poussée d'activité. Depuis que les craintes de contagion du secteur bancaire ont commencé à se dissiper à la mi-mars, la volatilité des marchés d'actions et d'obligations a considérablement diminué. Les actions des marchés émergents ont également rebondi par rapport à leur points bas du milieu de mois, ce qui montre que les dommages causés par les tensions bancaires sont restés limités.
Dans l'ensemble, notre scénario macroéconomique de base prévoit une croissance résistante mais nettement en retrait, associée à une inflation tenace et à un risque élevé de récession. En règle générale, cela ne constitue pas un scénario idéal pour les actions des marchés émergents. Nous estimons pourtant qu’elles pourraient manifester une certaine résilience grâce à la vigueur de la reprise chinoise, à l’affaiblissement du dollar américain et à des niveaux de valorisation favorables.
Nous pensons que l’économie chinoise bénéficie d’un potentiel cyclique plus important que les autres grandes économies. Elle pourrait donc apporter un soutien contracyclique lorsque la croissance s’essoufflera ailleurs. Depuis la réouverture de la Chine en janvier, les données signalent de plus en plus une reprise vigoureuse : les chiffres de PIB du 1er trimestre font ressortir un net rebond de la consommation et de l'activité dans les services.
Notoirement, le pire semble semble être passé en ce qui concerne la crise de l'immobilier. Les ventes de logements neufs se sont nettement redressées en mars, affichant pour la première fois depuis mi-2021 une croissance positive sur 12 mois glissants. Avec la volonté politique de garantir que les constructeurs livrent des logements dûment achevés, les inquiétudes concernant les projets immobiliers inachevés semblent s'estomper, notamment dans les grandes villes.
Un démarrage solide suivi d’une reprise durable
Nous sommes sûrs que la reprise économique chinoise, déjà plus forte que prévu, sera durable, stimulée par les vents porteurs de la réouverture et de la politique monétaire. La politique macroéconomique restera probablement accommodante, sans être excessivement stimulante, tout au moins jusqu’à la fin du deuxième trimestre, en raison de pressions inflationnistes modérées, d’une reprise tardive du marché de l’emploi (le taux de chômage des jeunes est proche de 20 %) et de perspectives très incertaines en ce qui concerne la demande extérieure.
La prédisposition à l’assouplissement monétaire est toujours présente. Alors que le nouveau Premier ministre entame la première année de son mandat de dix ans, nous pensons que le gouvernement aura très peu de tolérance pour un taux de croissance du PIB de moins de 5 %, qui est l'objectif officiel prudent pour 2023. Des mesures de relance supplémentaires semblent probables si la reprise économique de la Chine n’était pas à la hauteur de ce qui est attendu.
Le soutien budgétaire et celui de la politique du crédit se sont clairement manifestés au premier trimestre, attestant d’une volonté de concentrer le soutien macroéconomique sur la phase de redémarrage. Les chiffres du crédit ont surpris positivement sur les trois derniers mois, et cette impulsion plus forte se traduira probablement par une croissance économique plus soutenue dans trois à six mois.
Sur le plan budgétaire, les émissions d'obligations spéciales des gouvernements locaux depuis le début de l'année sont équivalentes aux niveaux de 2022, ce qui atteste d’un soutien budgétaire solide pour l'activité d'investissement dans les infrastructures. Nous pensons que ces investissements en infrastructures peuvent jouer un rôle important pour ancrer la demande globale et soutenir la confiance du secteur privé, en raison de leur effet d'entraînement sur l'emploi.
Le retour de la confiance au sein du secteur privé constitue à nos yeux la clé d'une reprise durable. Si la libération de la demande refoulée qui s’est manifestée au 1er trimestre devrait alimenter la première phase de reprise de la consommation, c’est l’amélioration du marché de l’emploi qui devrait propulser la phase suivante.
La solide reprise de la demande intérieure chinoise devrait également soutenir la dynamique de croissance du reste de l’Asie, qui représente une part significative du marché des actions émergentes. Les exportations des pays émergents d'Asie se sont considérablement affaiblies depuis la fin de 2021, en raison du ralentissement de la demande mondiale et des perturbations de l'offre en Chine. Les exportations vers la Chine continentale ont pesé sur les chiffres d’exportation de la Corée et de Taïwan, dont la croissance sur 12 mois glissants est tombée à son plus bas niveau depuis la crise financière mondiale. L'atonie des exportations de produits électroniques a également alimenté la faiblesse des exportations dans l'ensemble de la région. Nous pensons que ces vents contraires en provenance de la Chine et du secteur technologique vont s’atténuer dans les prochains mois.
Des conditions propices à la résilience des actions émergentes
Dans ce contexte macroéconomique, nous avons un avis relativement favorable concernant les actions des marchés émergents, avec une préférence pour les actifs chinois.
L'histoire nous montre que les principaux facteurs de surperformance des marchés émergents sont une croissance stable au niveau mondial, une volatilité limitée et un dollar américain orienté à la baisse. Ces trois éléments avaient disparu pendant la majeure partie de l’an dernier, alors que les actions émergentes étaient confrontées à un double défi : un cycle rapide de hausse des taux d'intérêt sur les marchés en développement et des perspectives de croissance mondiale incertaines. Aujourd’hui, le cycle de hausse des banques centrales touche à sa fin et l’économie mondiale s’est avérée plus résiliente que beaucoup ne le pensaient.
En début d'année, les actions émergentes avaient été dynamisées par la décision de la Chine de mettre fin à sa politique « zéro COVID ». Cependant, les tensions géopolitiques et le manque d'enthousiasme des investisseurs ont fait que les actions chinoises (onshore et offshore) ont sous-performé en 2023 par rapport aux marchés développés.
Nous pensons que le scénario fondamental de reprise de la croissance et de soutien monétaire en Chine est toujours d'actualité. Les valorisations du marché restent attrayantes et nous voyons un potentiel supplémentaire d'expansion des multiples en cas de reprise cyclique entraînant un cycle de hausse des bénéfices plus important. Ce positionnement semble également favorable quand on sait que depuis la crise du COVID-19, les investisseurs internationaux se sont largement tenus à l'écart des actions chinoises pendant qu’ils essayaient d’évaluer les perspectives de croissance du pays à plus long terme.
Aujourd’hui, après trois ans d’absence, les investisseurs étrangers sont revenus sur les marchés émergents asiatiques hors Chine (Taïwan et Corée, par exemple), lesquels ont surperformé l’indice EM plus large depuis le début de l’année (graphique 1). Les valorisations attrayantes et les thèmes de croissance séculaire de ces marchés axés sur la technologie offrent aux investisseurs une exposition défensive dans leurs portefeuilles d'actions - un attribut utile dans l'environnement actuel.
Le retour des investisseurs étrangers à Taïwan et en Corée
Graphique 1 – Investissements étrangers nets en actions (en milliards de dollars US)
Source : Bloomberg, J.P. Morgan Asset Management Multi-Asset Solutions. Données en date d’avril 2023.
Taïwan et la Corée sont les forces dominantes du complexe des marchés émergents asiatiques hors Chine. Si Taïwan domine le secteur de la fabrication des microprocesseurs (ordinateurs personnels et CPU), la Corée est un leader mondial de la production de puces mémoires (DRAM et NAND). Ces deux pays sont donc tributaires du cycle de la demande mondiale de biens, ce qui les expose à des risques idiosyncratiques.
Les prévisions de bénéfices du consensus restent moroses pour ces deux marchés, mais l'optimisme relatif à la gestion des stocks technologiques des entreprises et l'enthousiasme à l'égard de l'intelligence artificielle ont fait grimper les actions taïwanaises. En outre, le cycle de la demande de PC semble entrer dans une phase de restockage, ce qui est propice à la poursuite de ces performances.
De leur côté, les actions coréennes ont bénéficié de l'amélioration des chaînes d'approvisionnement et de la résilience de la demande d'automobiles et de biens de consommation. Les prix des DRAM sont en baisse depuis l’an dernier en raison d'une offre excédentaire, mais l'écart entre les nouvelles commandes d'électronique et les stocks semble être en voie de se stabiliser, ce qui laisse à penser que les marchés pourraient être proches du creux de la vague. Ces différents vents porteurs devraient favoriser la performance des actions Marchés émergents.
Il existe un bémol à cet avis relativement positif concernant les actions émergentes : dans l’éventualité d’une récession profonde, elles pourraient sous-performer en cas de fuite des capitaux vers la sécurité.
Sur l'ensemble des marchés émergents, le change est l’un des principaux facteurs de notre avis favorable. Nous pensons que le marché des changes est entré dans une nouvelle phase caractérisée par un dollar plus faible. La Réserve fédérale n'est plus la banque centrale la plus stricte en matière monétaire. Les divergences de réaction des responsables monétaires face aux chiffres de croissance et d’inflation au niveau régional pourraient influencer les échanges de devises au cours des prochains trimestres.
En l'absence de récession mondiale, ces facteurs pourraient faire baisser le DXY. Les devises émergentes, yuan chinois en tête, pourraient également s'apprécier sans perdre de leur compétitivité en termes de prix, compte tenu de leurs valorisations relativement attrayantes. Cette dynamique de change pourrait également soutenir les devises du complexe Marchés émergents qui sont largement procycliques ou fortement exposées aux matières premières, comme par exemple le réal brésilien ou le peso mexicain.
Implications pour l’allocation d’actifs
Les chiffres macroéconomiques récents ont conforté notre prévision d'une croissance certes résiliente, mais inférieure à la tendance et accompagnée d’un risque élevé de récession. La duration à plus longue échéance semble attrayante alors que le cycle de resserrement monétaire touche à sa fin au niveau mondial. Les banques centrales continueront toutefois à maintenir les taux en territoire restrictif pour lutter contre une inflation qui reste supérieure à l'objectif.
Pour ce qui est du positionnement de notre portefeuille, nous maintenons une légère sous-pondération des actions dans leur ensemble, tout en identifiant des opportunités de valeur relative sur les marchés émergents. Nous pensons que la baisse des rendements obligataires américains et la faiblesse relative du dollar seront favorables aux actions émergentes dans leur ensemble. En Chine, la reprise économique et le soutien monétaire devraient permettre aux actifs chinois de résister, y compris dans le cas d’un ralentissement mondial plus prononcé.
Figure 2 : Opinions d’allocation d’actifs de MAS
Le tableau et les avis présentés dans ce document reflètent les informations et les données disponibles jusqu’en mars 2023.
Multi-Asset Solutions
L’équipe Multi-Asset Solutions de J.P. Morgan Asset Management gère plus de 248 milliards de dollars d’actifs et s’appuie sur une expertise d’envergure, ainsi que sur les capacités d’investissement de J.P. Morgan Asset Management. Notre recherche et nos analyses dans le domaine de l’allocation d’actifs constituent le fondement de notre processus de gestion. Ce dernier est soutenu par une équipe de recherche mondiale composée de plus de 20 professionnels dédiés et représentant plusieurs décennies d’expérience combinée dans un vaste champ de disciplines.
La grille d’allocation de Multi-Asset Solutions est le résultat d’un processus qui intègre :
des éclairages qualitatifs, tenant compte des perspectives macrothématiques, des opinionssur le cycle économique, et des opportunités demarché tant systématiques que spécifiques,
une analyse quantitative qui considère les inefficiences du marché, des modèles intra et interclasses d’actifs, ainsi que des stratégies de valeur relative et directionnelles,
des réunions consacrées à la stratégie et un dialogue continu entre les équipes de recherche et d’investissement. Ces échanges leur permettent d’échanger, d’élaborer et de tester les vues de la société en matière d’allocation d’actifs.
Au 31 mars 2023
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