Que reflètent les cours de marché ?
Le premier mois de l’année s’est achevé en beauté. Les marchés boursiers ont chuté à la suite de l’annonce d’un modèle d’intelligence artificielle (IA) à faible coût de DeepSeek, une entreprise chinoise, ce qui a suscité de l’inquiétude chez les investisseurs concernant le cycle d’investissement dans l’IA. Les actions ont ensuite récupéré une partie de leurs pertes sur le reste de la semaine.
Ce repli s’est produit dans le contexte d’une activité économique américaine toujours solide. Nous conservons en effet une vision constructive de l’économie américaine, qui motive un positionnement favorable aux actifs risqués dans nos portefeuilles. Ce positionnement s’efforce de capitaliser sur le thème de l’exceptionnalisme américain. Nous savons malgré tout qu’il faudra des fondamentaux économiques sains pour amortir toute nouvelle baisse des marchés. Nous nous attendons également à ce que l’incertitude entourant la politique monétaire et gouvernementale - en particulier, la trajectoire de la nouvelle administration Trump – entretienne une volatilité élevée sur les marchés cette année.
Les principaux indicateurs économiques américains - notamment les indices des directeurs d’achat (PMI), les dépenses de consommation, le logement, la production industrielle et l’emploi - sont encourageants. À titre d’exemple, l’indicateur GDPNow de la Fed d’Atlanta, largement suivi, prévoit actuellement une croissance d’environ 3 % pour le premier trimestre.
L’indice PMI flash composite de janvier, indicateur préliminaire de la croissance, reste en zone d’expansion à 52,4. Par rapport aux mois précédents, il reflète également un meilleur équilibre entre le secteur manufacturier et le secteur des services. L’indice PMI manufacturier a légèrement augmenté, alors que celui des services a perdu quatre points de manière inattendue pour s’établir à 52,8. Cette baisse pourrait indiquer que la vigueur prolongée du secteur des services est en train de se modérer.
Les consommateurs continuent de dépenser. Les ventes au détail ont augmenté de 0,4 % d’un mois sur l’autre en décembre (0,7 % si l’on exclut les composantes volatiles comme l’automobile et l’essence). Il existe toutefois des disparités entre secteurs. Les ventes de matériaux de construction ont baissé de 2 % sur le mois et les dépenses de restauration de 0,3 %. L’emploi a toutefois continué d’augmenter dans l’industrie, ce qui laisse à penser que la baisse des dépenses est un hoquet passager et non un ralentissement durable.
Bonne santé globale du logement, de l’industrie et de l’emploi
Le marché du logement s’est bien comporté en décembre. Les mises en chantier ont augmenté de 15,8 % d’un mois sur l’autre. (62 % pour les logements collectifs et 3 % pour les logements individuels). Cependant, le niveau élevé des taux hypothécaires et l’augmentation des stocks mettront probablement un frein à de nouvelles améliorations. Les permis de construire en baisse de 0,7 % sur le mois pourraient être le signe d’un ralentissement à venir.
La production industrielle a été meilleure que prévu, en hausse de 0,6 % en décembre contre 0,4 % en novembre. En glissement annuel, elle est à peu près stable, ce qui montre que le secteur manufacturier américain reste plutôt stagnant, sans augmentation significative d’une année sur l’autre.
Dans son ensemble, le marché de l’emploi demeure en bonne santé, bien que certains chiffres signalent un ralentissement. En décembre, le nombre d’emplois non agricoles a augmenté de 256 000, la progression se répartissant sur la plupart des secteurs hors industrie manufacturière. Parallèlement, le taux de chômage est passé de 4,2 % à 4,1 %, tandis que le taux de participation à la population active est resté stable à 62,5 %, ce qui dénote un marché de l’emploi raisonnablement équilibré.
L’enquête sur les offres d’emploi et les mouvements de main-d’oeuvre (JOLTS) dresse un tableau mitigé. Les offres d’emploi sont en hausse, mais les embauches sont en baisse. Le taux de démission est passé de 2,1 % à 1,9 %, revenant ainsi à son point bas du cycle, tandis que le taux de licenciement s’est maintenu à son faible niveau de 1,1 %. Les acteurs du marché ont fait bon accueil à ces chiffres, ce qui laisse à penser que le ralentissement du marché de l’emploi est le reflet d’un ralentissement des embauches plutôt que qu’une augmentation des licenciements.
S’agissant des chiffres d’emploi du mois de de janvier, nous nous attendons à un impact négatif des incendies en Californie. Au niveau national, les demandes initiales d’allocations de chômage se sont établies à 223 000 sur la semaine se terminant le 18 janvier (+ 6 000), tandis que les allocations en cours ont atteint 1,899 million, leur plus haut niveau depuis trois ans.
Des courants contraires affectent nos prévisions d’inflation
Comme toujours, les chiffres de l’emploi influencent considérablement les perspectives d’inflation. À l’heure actuelle, les données salariales sont encourageantes. En décembre, le salaire horaire moyen a augmenté de 0,3 % d’un mois sur l’autre, ce qui est moins que le mois précédent (0,4 %). En glissement annuel, il est en hausse de 3,9 %. Sachant qu’une réaccélération de la croissance des salaires est l’un des principaux risques pesant sur le ralentissement attendu de l’inflation, il sera important de suivre ces chiffres.
Sur le front de l’inflation, on observe des courants contraires. L’IPC sous-jacent de décembre (qui exclut les prix plus volatils de l’alimentation et de l’énergie) est en hausse de 0,2 % sur le mois et de 3,2 % sur l’année. Cependant, la hausse de 4,4 % des prix de l’énergie sur le mois a fait grimper l’IPC global, en hausse de 0,4 % sur le mois et de 2,9 % sur l’année. L’inflation des coûts du logement reste forte à 4,6 % sur l’année, mais elle semble s’orienter dans un sens plus favorable d’après les données en temps réel. Hors logement, l’inflation sous-jacente des services a été limitée à 0,2 % sur le mois.
L’indice des prix à la production (IPP) du mois de décembre a été plus faible que prévu. La mesure principale a augmenté de 0,2 % sur le mois, tandis que la mesure sous-jacente est restée stable en base mensuelle. Cela pourrait être le signe d’un relâchement des pressions sur les prix en amont, qui pourrait se traduire par une inflation plus modérée des prix à la consommation pour l’avenir. En conséquence, nous continuons de penser que la Réserve fédérale (Fed) procédera à deux baisses de taux dans l’année, la première d’ici l’été et la seconde au deuxième semestre.
Mais que reflètent les cours?
Dans l’ensemble, nous observons une toile de fond économique favorable à l’investissement pour les prochains trimestres. Quels sont les éléments reflétés dans les cours du marché en ce qui concerne la croissance et la politique monétaire? Pour tenter de répondre à cette question essentielle, nous pouvons glaner différentes informations provenant des taux d’intérêt, des spreads du crédit et des valorisations boursières.
Taux : les taux des emprunts d’État se sont stabilisés après avoir fortement augmenté fin 2024 et début 2025, en raison notamment des inquiétudes concernant l’évolution de la politique du gouvernement américain.
Certains acteurs du marché craignent que les politiques de la nouvelle administration en matière d’immigration et de droits de douane aient des effets inflationnistes. On notera ainsi que les points morts d’inflation sont revenus dans la partie supérieure de leur fourchette récente et que la prime de terme est à son plus haut niveau depuis 2015.
Dans l’ensemble, nous continuons de penser que les actions du président Donald Trump n’iront pas aussi loin que ses déclarations. L’inflation devrait rester contenue, ce qui permettra à la Fed de procéder à deux baisses de taux pendant l’année. Les prix de marché semblent s’orienter dans ce sens, après avoir oscillé entre les deux points de vue extrêmes, à savoir un assouplissement très limité de la politique monétaire ou un cycle de forte réduction des taux.
Crédit : il est plus utile de se placer dans une perspective macroéconomique plutôt que monétaire pour évaluer ce qui est pris en compte dans les spreads du crédit. Les spreads du haut rendement américain semblent un peu optimistes par rapport au rythme de l’activité manufacturière, mais ils restent cohérents par rapport au taux de croissance de l’économie dans son ensemble. Surtout, compte tenu de certaines préoccupations sous-jacentes concernant l’inflation, ils sont conformes aux estimations actuelles du marché pour l’inflation à un an dans un an. Le niveau actuel des spreads semble également signaler un nouvel assouplissement des normes d’octroi de crédit et des défaillances contenues. Voilà pour les bonnes nouvelles.
Certains indicateurs du crédit laissent néanmoins présager des perspectives moins favorables. Les spreads théoriques estimés sur la base de la volatilité implicite des différentes classes d’actifs (« crossasset ») sont nettement plus élevés que les spreads réels. En outre, les swaps de défaut de crédit (CDS) ont une base négative, car le spread des CDS à haut rendement est plus élevé que celui des obligations au comptant. En bref, certaines données laissent à penser qu’il existe des risques potentiels sous la surface du marché High Yield.
Actions : les actions constituent une troisième source d’information sur ce que les marchés ont intégré (ou pas) dans les prix. Après un début d’année en demiteinte, les actions ont bien progressé en janvier, avec juste une baisse de courte durée en fin de mois. Les valorisations se situent actuellement au-dessus de notre estimation de leur juste valeur et près de la limite supérieure de leur fourchette de variation de ces dernières années, ce qui témoigne d’un optimisme généralisé quant à la croissance des bénéfices en 2025. Il pourrait toutefois s’avérer que les investisseurs ont fait preuve d’un excès d’optimisme sur ce point.
De manière plus générale, les marchés d’actions semblent anticiper un environnement de croissance plus dynamique soutenue par une déréglementation importante dans des secteurs comme l’énergie ou les services financiers. Ils semblent accorder moins d’importance à la possibilité de politiques plus dures que prévu en matière d’immigration et/ou de droits de douane.
Implications pour l’investissement
Sachant que nous conservons un avis positif sur les perspectives de l’économie américaine, nous maintenons un positionnement favorable aux actifs risqués dans nos portefeuilles. Les actions américaines ont encore une marge de progression, mais nous élargissons notre exposition à un éventail diversifié de styles et de capitalisations boursières pour profiter de la croissance plus générale des bénéfices. Nous voyons également des opportunités dans le crédit. Malgré des spreads peu élevés, les fondamentaux restent favorables et les rendements globaux sont attrayants. Enfin, la hausse des taux et la pente positive de la courbe des taux nous incitent à privilégier davantage la duration. Il s’agira probablement plus de négocier la fourchette que de faire un véritable pari sur les produits de taux.
Dans l’ensemble, nos portefeuilles restent positionnés pour capitaliser sur le thème de l’exceptionnalisme américain. Bien qu’il existe des opportunités sur les marchés hors États-Unis, nous estimons que le programme pro-croissance de l’administration Trump se reflètera dans une surperformance des actifs américains en 2025.