Les marchés n’aiment pas l’incertitude et les investisseurs devront probablement attendre un certain temps avant que le nouveau gouvernement français ne clarifie ses intentions en matière de réforme budgétaire.

Après la défaite de sa coalition centriste aux dernières élections européennes, le président français Emmanuel Macron a convoqué des élections anticipées afin de composer une nouvelle Assemblée nationale (la chambre basse du Parlement français).

Pour l’heure1, le parti d’extrême droite Rassemblement national est en tête des sondages. S’ils s’avèrent corrects, un tel résultat pourrait ralentir, voire interrompre, les réformes budgétaires en cours et cette perspective a déjà entraîné une correction des marchés actions et obligataires européens. Compte tenu de l’incertitude politique, les investisseurs vont devoir réévaluer les risques politiques et budgétaires en Europe et les marchés de la région pourraient faire preuve d’une volatilité accrue au cours des prochains mois.

Il est cependant important de noter qu’une nouvelle crise de la dette dans la zone euro semble peu probable. Les partis populistes, en France ou ailleurs, ne plaident plus en faveur d’une sortie de l’UE ou de la monnaie unique. Les institutions de l’Union européenne (UE) sont désormais beaucoup plus solides, la Banque centrale européenne (BCE) dispose des outils suffisants pour résoudre les difficultés potentielles des dettes souveraines et l’économie européenne est bien plus robuste (Graphique 1). En outre, l’histoire a montré qu’une fois aux commandes, les partis populistes ont tendance à adopter une approche plus pragmatique.

À quoi faut-il s’attendre ? 

Les sondages les plus récents2 indiquent une victoire du Rassemblement National, le parti d’extrême droite (36 % des intentions de vote au premier tour). La coalition d’extrême gauche, Le Nouveau Front Populaire, gagne également du terrain (29,5 % des intentions de vote au premier tour), tandis que la coalition centriste du président Macron est à la traîne, puisque seulement 20,5 % des électeurs déclarent vouloir voter pour le mouvement Ensemble pour la République au premier tour.

Cependant, à ce stade, les sondages donnent une image encore imprécise de la future composition de l’Assemblée nationale. Contrairement aux élections européennes, organisées selon un mode de scrutin proportionnel à un tour, les élections législatives se déroulent sur la base d’un scrutin non proportionnel à deux tours, les élections ayant lieu le 30 juin et le 7 juillet. 

Le 30 juin, des élections auront lieu dans chacune des 577 circonscriptions françaises. Si un candidat obtient 50 % des voix dans une circonscription (représentant au moins 25 % des listes électorales), il sera automatiquement élu. Dans les circonscriptions où aucun candidat ne recueille 50 % des suffrages exprimés, tous les candidats ayant obtenu au moins 12,5 % du nombre des électeurs inscrits dans la circonscription participeront au second tour le 7 juillet. Le second tour oppose généralement deux ou trois candidats seulement. 

Historiquement, lorsqu’un représentant de l’extrême droite accède au second tour, d’autres partis politiques s’allient pour former un « Front Républicain ». L’idée est de retirer les candidats des partis qui ont le moins de chances de gagner contre l’extrême droite et/ou de recommander aux partisans de ces candidats de voter plutôt pour le représentant d’un parti démocrate, qui a plus de chances de battre l’extrême droite. 

Toutefois, le scrutin qui se profile risque d’être plus compliqué. La France compte désormais deux partis forts issus des extrêmes politiques : le Rassemblement national , à droite, et La France insoumise (l’une des principales composantes du Nouveau Front populaire), à gauche. Par conséquent, les partis centristes pourraient devoir lutter contre deux extrêmes, ce qui renforce la probabilité d’une victoire populiste au second tour

Ni les partis d’extrême droite ni ceux d’extrême gauche ne semblent en mesure d’obtenir une majorité parlementaire absolue3, mais le Premier ministre français est généralement issu des rangs du parti/coalition majoritaire à l’Assemblée nationale. Par conséquent, le président Macron pourrait être contraint de cohabiter avec un Premier ministre issu des rangs de l’extrême droite ou de l’extrême gauche. Dans cette éventualité, il conserverait la direction de la politique étrangère, mais le Premier ministre prendrait les décisions relatives à la politique nationale.

Le programme politique du Nouveau Front Populaire, parti d’extrême gauche, comprend, entre autres, l’abrogation de la loi sur la réforme des retraites, une augmentation du budget de la culture, une augmentation du salaire minimum et la réintroduction d’un impôt sur la fortune. Selon le groupe de réflexion français IFRAP4, ces politiques creuseraient le déficit budgétaire français de 193 milliards d’euros par an.

Le programme politique du Rassemblement national, parti d’extrême droite, inclut l’abrogation de la réforme des retraites, la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les factures d’énergie et la réduction de la contribution financière de la France à l’Union européenne. L’IFRAP estime que ce programme augmenterait le déficit budgétaire français de 8,5 milliards d’euros par an. 

Si l’un ou l’autre de ces programmes devait être mis en œuvre sans compromis, il entraînerait probablement une perte de compétitivité pour l’économie française et des coûts de financement plus élevés pour l’État français. 

Une surréaction du marché ?

La réaction du marché aux élections anticipées en France montre clairement que la crise de la dette souveraine de la zone euro est encore bien présente dans l’esprit des investisseurs. Mais cette fois-ci, les choses sont différentes. Les partis populistes français (et européens) ne veulent plus quitter l’euro ni l’UE, ce qui rend peu probable une nouvelle crise existentielle dans la région. Par ailleurs, il nous semble que les électeurs français expriment leur mécontentement à l’égard de l’immigration et de l’austérité, à l’image de la tendance observée ailleurs en Europe. L’enjeu de cette élection est donc un risque budgétaire français, et non un risque d’éclatement de l’euro.

Rappelons également qu’une fois aux commandes, les partis populistes se montrent généralement plus pragmatiques lorsqu’ils réalisent que le financement de leurs ambitions est irréaliste. L’exemple de l’ancienne Première ministre britannique Liz Truss a clairement montré les dangers d’une perte de confiance des investisseurs obligataires internationaux. En revanche, la Première ministre italienne Giorgia Meloni a su faire preuve d’une démarche plus pragmatique. Lorsqu’elle a été élue en octobre 2022, le spread entre les emprunts d’État italiens à 10 ans et les Bunds allemands de même échéance a presque atteint 250 pb (Graphique 2). Il s’est depuis considérablement réduit, la politique de Giorgia Meloni s’étant avérée beaucoup moins déstabilisatrice que prévu.  

En outre, malgré quelques signes de propagation des risques à d’autres pays périphériques et aux banques européennes ces dernières semaines, un remake de la crise de la dette de l’UE semble peu probable. Les institutions de l’UE ont été renforcées depuis la crise et les États membres, en particulier ceux visés par la procédure de déficit excessif de la Commission européenne, peuvent désormais s’appuyer sur des mécanismes comme le Fonds NextGenerationEU pour amortir l’impact des exigences liées à l’assainissement de leur politique budgétaire. La BCE s’est également dotée de nouveaux outils pour faire face au moindre élargissement désordonné des spreads souverains grâce à son Instrument de protection de la transmission (IPT), et elle peut offrir un soutien accru au secteur bancaire grâce à son Mécanisme de surveillance unique (MSU). 

Conclusion

La volatilité devrait rester relativement élevée sur les marchés financiers européens au cours des prochains mois, et la situation pourrait se dégrader avant de finir par s’améliorer. Les marchés n’aiment pas l’incertitude et les investisseurs devront probablement attendre un certain temps avant que le nouveau gouvernement français ne clarifie ses intentions en matière de réforme budgétaire. Ils pourraient devoir attendre jusqu’à l’automne, lorsque la France - ainsi que les six autres pays visés par la procédure de déficit excessif de la Commission européenne - devra présenter les modalités de son plan visant à ramener ses finances publiques dans les limites du pacte de stabilité et de croissance. 

D’ici là, les spreads des emprunts d’État français et des pays périphériques de la zone euro pourraient rester élevés et peser sur le sentiment des investisseurs à l’égard des marchés financiers européens en général. Toutefois, l’amélioration du contexte économique et le caractère attractif des valorisations, ainsi que les dispositifs institutionnels de l’UE et les mesures de soutien monétaire de la BCE, pourraient faire émerger une opportunité d’achat intéressante en cas de correction des marchés dans le sillage des élections. 

1 Source : IFOP, LCI au 24/06/2024
2 Source : IFOP, LCI au 24/06/2024
3 289 sièges
4 Source : Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques
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