S’il est plus judicieux d’investir dans des actions japonaises aujourd’hui qu’au cours de la dernière décennie, un certain nombre de risques tempèrent notre optimisme

Les actions japonaises attirent à nouveau l’attention des investisseurs internationaux. Au premier trimestre, le Nikkei, le principal indice japonais, a atteint un nouveau sommet historique, une consécration attendue depuis 34 ans.

Parmi les facteurs qui ont contribué à cette performance prometteuse, citons l’évolution du paysage macroéconomique du Japon, qui sort du marasme déflationniste, les réformes en matière de gouvernance d’entreprise visant à améliorer une allocation du capital insuffisante, des valorisations relativement bon marché et un affaiblissement rapide du yen.

Nous continuons à voir le potentiel de performance des actions japonaises grâce à la hausse de la croissance nominale du PIB et à la mise en œuvre des réformes des entreprises. Toutefois, les investisseurs doivent garder à l’esprit que les valorisations actuelles sont moins convaincantes qu’il y a deux ans et que les perspectives de reprise du yen semblent plutôt défavorables à l’avenir.

Améliorations macroéconomiques

Le Japon a connu des changements macroéconomiques majeurs depuis la pandémie de Covid. Après une décennie de désinflation, voire de déflation pure et simple, la croissance de l’indice des prix à la consommation est revenue à plus de 2 % au cours des huit derniers trimestres, atteignant ainsi l’un des principaux objectifs de politique monétaire de la Banque du Japon. Le retour de l’inflation s’est également reflété dans la hausse du produit intérieur brut (PIB) nominal du Japon, qui a augmenté de 3,5 % par an au cours des deux dernières années, contre 0,2 % par an au cours des 20 années précédentes. Le graphique 1 montre que les périodes d’accélération de la croissance nominale sont généralement propices à l’amélioration des revenus des entreprises.

Si les pressions sur les coûts ont provoqué la hausse initiale de l’inflation, on peut espérer que cette dernière a amorcé un taux plus sain et plus durable au Japon, dans un contexte où la croissance des salaires commence à s’accélérer. Les résultats préliminaires des négociations salariales au printemps (Shunto) ont abouti à une augmentation moyenne des salaires de 5,28 %, dépassant la barre des 5 % pour la première fois en 33 ans. Cependant, les négociations Shunto concernent moins de 15 % de la population active japonaise. Bien que les augmentations de salaire des petites et moyennes entreprises soient restées inférieures à l’inflation, on peut espérer que les travailleurs seront en mesure d’obtenir de meilleurs salaires à l’avenir, les entreprises cherchant à attirer et retenir les talents en raison d’une main-d’œuvre toujours plus réduite. Une croissance modérée des salaires serait bénéfique pour la demande globale des consommateurs, ce qui serait une bonne nouvelle pour la croissance des ventes des entreprises cotées. En effet, 52 % des ventes des entreprises japonaises proviennent du marché domestique.

Une reprise à moyen terme de l’activité économique pourrait également être soutenue par la délocalisation d’usines de fabrication situées en Chine, les entreprises occidentales cherchant à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement et à se protéger d’un paysage géopolitique en rapide évolution. Grâce à d’excellentes infrastructures, à un haut niveau de sophistication technique et à une croissance modérée du coût de la main-d’œuvre au cours des 30 dernières années, le Japon est une destination attrayante pour les entreprises manufacturières à forte valeur ajoutée qui cherchent à se diversifier en dehors de la Chine. La chute massive de la valeur du yen, qui a perdu près d’un tiers de sa valeur au cours des quatre dernières années sur une base pondérée par les échanges, encourage davantage cette délocalisation.

Grâce à une reprise continue et, espérons-le, durable de l’activité nominale, la Banque du Japon a pu mettre fin à sa politique de taux d’intérêt négatifs. Toute nouvelle hausse des taux d’intérêt devrait être modeste, mais même dans ce cas, une évolution vers une courbe des rendements positive et ascendante devrait favoriser le secteur financier, à l’instar de ce qui a été observé aux États-Unis et en Europe, où les valeurs financières ont été l’un des principaux facteurs de la récente reprise des actions.

Améliorations microéconomiques

La dynamique positive des actions japonaises dépend beaucoup plus de facteurs spécifiques aux entreprises que de la macroéconomie. La gouvernance d’entreprise au Japon a toujours été à la traîne par rapport aux normes internationales. Toutefois, au cours de la dernière décennie, le Japon a progressivement modifié ses pratiques pour améliorer la valeur actionnariale.

Depuis l’introduction d’un nouveau code de gestion responsable en 2014, la proportion d’entreprises dont le conseil d’administration est composé d’au moins un tiers d’administrateurs indépendants est passée de 6,4 % à plus de 90 % en 2022. La récente initiative de gouvernance de la Bourse de Tokyo a également répondu à la nécessité pour les entreprises japonaises d’améliorer l’allocation du capital. Actuellement, 51 % des entreprises de l’indice TOPIX ont des soldes de liquidités nets positifs (graphique 2), un chiffre bien plus élevé qu’aux États-Unis (11 %) ou en Europe (13 %). Cela se traduit par un faible rendement des fonds propres (ROE) et des multiples inférieurs pour les actions japonaises. 22 % des entreprises de l’indice MSCI Japan ont un ratio cours/valeur comptable inférieur à 1, et 39 % ont un ROE inférieur à 8 %. Aux États-Unis, par exemple, ces proportions sont nettement inférieures, à savoir 2 % et 23 % respectivement.

L’impact des réformes en matière de gouvernance d’entreprise est déjà visible. Les distributions de dividendes et les rachats d’actions ont fortement augmenté au Japon ces dernières années, le volume de rachats d’actions annoncé ayant atteint un sommet historique en 2023. De nouvelles réductions des niveaux de liquidités et la vente de participations croisées pour financer les rachats d’actions devraient améliorer le futur ROE des entreprises japonaises. Si les entreprises parviennent à réduire leurs liquidités à des niveaux similaires à ceux de leurs homologues européens et américains et continuent de céder leurs participations croisées, nous pensons que le ROE des actions japonaises pourrait atteindre environ 12 %. Une meilleure rentabilité se traduit généralement par des valorisations plus élevées.

Risques

S’il est plus judicieux d’investir dans des actions japonaises aujourd’hui qu’au cours de la dernière décennie, un certain nombre de risques tempèrent notre optimisme quant à la capacité des actions japonaises à maintenir le rythme des récents gains.

Tout d’abord, les valorisations ne sont plus aussi convaincantes qu’auparavant. Fin octobre 2022, au creux historique de la performance relative du TOPIX par rapport au MSCI World, les actions japonaises se négociaient sur un multiple de 12,5 fois les bénéfices. Fin avril 2024, après une forte reprise, le ratio cours/bénéfices des actions japonaises avait atteint 16x, soit un peu plus que la moyenne sur 15 ans de 15,3x (graphique 3). Il nous semble légitime de penser que les actions japonaises ne sont plus bon marché à de tels niveaux de valorisation, ce qui devrait peser sur les perspectives de rendement à long terme. 

Deuxièmement, nous sommes préoccupés par les perspectives du yen et l’impact que cela pourrait avoir sur les actions japonaises. La perspective d’une baisse des taux d’intérêt en Europe et aux États-Unis et d’une légère hausse des taux d’intérêt au Japon devrait rendre le yen plus attrayant. D’un point de vue fondamental, selon notre dernière publication Hypothèses d’évolution à long terme des marchés de capitaux (LTCMA), le yen est considéré comme la devise la plus sous-évaluée des principales paires de devises.

Compte tenu de la relation négative stable entre les actions japonaises et le yen (graphique 4), la divergence d’orientation de la politique monétaire entre la Banque du Japon et d’autres banques centrales (graphique 5) pourrait nuire aux actions japonaises : un renforcement du yen aurait un impact négatif sur le bénéfice par action des entreprises exportatrices, qui l’emporterait sur l’impact positif ressenti par les entreprises nationales. Toutefois, cette dynamique offrirait des opportunités de sélection active des titres. Dans ce cas, il pourrait être bénéfique pour les investisseurs de privilégier les entreprises nationales, généralement moins importantes en termes de capitalisation boursière.

Par ailleurs, si le yen s’affaiblit encore par rapport à son niveau actuel, les actions japonaises pourraient ne pas bénéficier du même élan lié à la devise qu’au cours des deux dernières années. En effet, le pays pourrait être confronté à une inflation importée plus forte et, dans ce cas, la Banque du Japon risquerait de devoir relever davantage ses taux d’intérêt. Le Japon n’a pas la possibilité d’augmenter fortement ses taux directeurs pour contenir les pressions inflationnistes et stabiliser sa devise, comme nous l’avons vu récemment en Europe et aux États-Unis. Cette situation pourrait entraîner une détérioration importante de la situation budgétaire du pays, son ratio dette nette/PIB étant très élevé (158 %). Une hausse significative des taux d’intérêt à long terme pourrait également susciter des inquiétudes quant à la stabilité financière en raison du nombre important d’obligations d’État japonaises détenues par les banques commerciales.

Conclusion

Les actions japonaises bénéficient d’un contexte favorable grâce à la hausse de la croissance du PIB nominal et aux réformes crédibles en matière de gouvernance d’entreprise. Nous anticipons toujours des rendements attrayants des actions de la région à moyen terme, mais les valorisations plus élevées et l’incertitude liée à la devise devraient désormais limiter l’ampleur des gains. Toutefois, en privilégiant les sociétés à plus petite capitalisation davantage axées sur le marché domestique, qui pourraient bénéficier d’une croissance des salaires plus optimiste et qui sont moins exposées aux risques d’une hausse du yen, il serait possible d’atténuer ces risques et d’améliorer davantage le potentiel de rendement d’une allocation en actions japonaises.

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