Résumé
- Les données conjoncturelles récentes montrent les premiers signes d’une augmentation des prix liée aux droits de douane. Cette répercussion tarifaire a toutefois été graduelle jusqu’à présent.
- Nous nous attendons à ce que les droits de douane provoquent une hausse de l’inflation sous-jacente des biens d’ici la fin de l’année. En revanche, l’inflation devrait se modérer au cours de l’année prochaine en raison de la poursuite de la désinflation observée dans le secteur des services.
- Dans leur ensemble, les entreprises gèrent le coût des droits de douane de manière proactive, en réorganisant leurs chaînes d’approvisionnement et en répercutant le surcoût sur les consommateurs, ce qui leur permet de préserver leurs marges face aux nouveaux droits.
- Nous conservons un positionnement légèrement « pro-risque » dans les portefeuilles, qui tient compte à la fois de la solidité des fondamentaux des entreprises et du niveau élevé des valorisations boursières. Nous maintenons également une légère préférence pour la duration mondiale en raison du rééquilibrage observé sur les marchés de l’emploi.
L’actualité des droits de douane est l’un des thèmes dominants des marchés depuis déjà un certain temps. Bien qu’elle ait provoqué plusieurs accès de volatilité boursière, nous nous sommes focalisés avant tout sur son impact sur les fondamentaux macroéconomiques. Dans ce domaine, nous nous attendions à ce que les nouveaux droits entraînent une hausse de l’inflation des biens et un affaiblissement de la demande. Les derniers chiffres macroéconomiques font effectivement ressortir des hausses de prix liées aux nouvelles mesures tarifaires sur les importations.
Nous évoquons dans ce bulletin les enseignements à tirer de leur impact sur l’économie jusqu’à présent, sous l’angle des indicateurs macroéconomiques et du comportement des entreprises. En bref, nous avons constaté que le coût des droits de douane se manifestait de manière graduelle, surtout au niveau des chiffres macroéconomiques, tandis que les entreprises géraient leurs coûts de manière proactive pour préserver leurs marges.
Les chiffres de l’IPC américain pour le mois de juillet montrent que les droits additionnels se sont répercutés plus lentement que prévu sur les prix des biens hors énergie et alimentation. À nos yeux, cela reflète la capacité des entreprises à gérer efficacement leurs stocks, ainsi que leur décision générale d’avancer leurs achats, ce qui leur a permis de retarder les hausses de prix. Dans l’IPC, la hausse de près de 1 % de l’indice des prix à l’importation (en glissement annuel) représente un impact plus direct des nouvelles mesures tarifaires, qui concerne surtout les biens de consommation importés (hors automobiles).
Pour l’avenir, nous continuons de penser que l’augmentation des droits de douane se répercutera de manière très progressive sur les prix des biens de base, entraînant une augmentation graduelle des prix à la consommation, plutôt qu’une hausse rapide ou drastique.
Les chiffres de l’IPP américain pour le mois de juillet font également ressortir une inflation plus forte des prix à la production. Cependant, les marges des producteurs de biens et de services ont augmenté, signe probable d’un important pouvoir de fixation des prix qui leur a permis de répercuter la hausse du coût des intrants sur les consommateurs. Ce phénomène se reflète dans plusieurs enquêtes de conjoncture américaines. Les données du mois de juillet montrent ainsi que les prévisions des chefs d’entreprise américains relatives au prix des intrants et extrants ont évolué à la hausse. En voici un exemple : le PMI des services publié par l’Institute for Supply Management (ISM) pour le mois de juillet montre que les prix payés ont atteint le chiffre de 70 dans l’indice, leur plus haut niveau depuis le début de l’année (figure 1).
Nous continuons de prévoir une accélération de l’inflation sous-jacente des biens d’ici la fin de l’année, reflétant la hausse du taux effectif des droits de douane à 18 - 20 %. Nous prévoyons par conséquent une hausse de l’inflation sous-jacente, qui devrait atteindre 3,6 % d’ici la fin de l’année, avant de revenir aux alentours de 2,5 % en 2026.
En revanche, dans les secteurs des services sensibles au coût de la main-d’œuvre, ainsi que dans les composantes « logement » de l’inflation sous-jacente, nous restons convaincus que la désinflation actuelle se poursuivra. Nous considérons que ces secteurs seront les principaux moteurs du ralentissement de l’inflation globale en 2026, en sachant toutefois qu’une augmentation plus forte que prévu de l’inflation sous-jacente des biens constituerait un risque important pour ce scénario de base.
Les entreprises demeurent bien positionnées pour gérer le surcoût des droits de douane
Lors de la présentation des résultats du dernier trimestre, les dirigeants des entreprises américaines ont mis en avant leur capacité à maintenir leurs marges bénéficiaires face à la pression des droits de douane. Les équipes de direction ont évoqué les différents outils et autres stratégies à leur disposition pour en atténuer l’effet, qu’il s’agisse de restructurer leurs chaînes d’approvisionnement, de négocier avec les fournisseurs ou de réduire les coûts dans certains domaines. Ils ont également été nombreux à mentionner leur capacité à répercuter les hausses de prix sur les consommateurs ; face à la vigueur de la consommation globale, les entreprises ne voient pas encore de signes d’une destruction de la demande résultant de la hausse des prix. Plusieurs d’entre elles ont également indiqué qu’elles s’attendaient désormais à ce que l’impact des droits de douane sur les bénéfices soit moins important qu’elles ne l’avaient prévu à l’origine.
Les exemples de stratégies d’atténuation des droits de douane se retrouvent dans tous les secteurs. Dans l’automobile, plusieurs grands acteurs ont indiqué que des ajustements au niveau de la production accompagnés de programmes ciblés de réduction des coûts leur permettaient de contrer l’impact des mesures tarifaires. Certains dirigeants du secteur ont également mentionné un recentrage sur leurs produits de base, dans le but d’échapper à la concurrence sur les segments à fort volume qui nécessitent de produire à l’étranger et de protéger ainsi leurs marges face aux droits de douane. Dans les secteurs de la consommation, les entreprises prévoient de recourir à des stratégies de tarification des produits et de couverture de leurs achats de matières premières pour optimiser leurs coûts. Dans la technologie, les dirigeants d’entreprises largement tributaires d’équipements fabriqués en Chine ont déclaré avoir subi le coût des nouvelles mesures tarifaires, mais celui-ci a été moins élevé qu’ils ne le prévoyaient au mois de mai.
Ces dernières semaines, plusieurs grandes entreprises technologiques se sont également engagées à investir aux États-Unis. Ces annonces semblent constituer une avancée dans les négociations tarifaires entre les entreprises et le gouvernement américain, qui devrait contribuer à minimiser l’impact des droits de douane pour l’avenir. Dans l’industrie et les matériaux, les entreprises qui ont augmenté leur production intérieure au cours du 2e trimestre 2025 affichent des marges EBITDA solides, car elles ont bénéficié d’une baisse de leurs coûts d’importation.
En dehors des droits de douane, un autre aspect positif des commentaires sur les résultats trimestriels avait trait aux flux de trésorerie disponible correspondant à la réduction d’impôt dont bénéficient les sociétés concernées par le rétablissement du traitement fiscal avantageux de la R&D nationale dans le budget fédéral de 2025 (dans le cadre de la loi « One Big Beautiful Bill Act »). Plusieurs acteurs des télécommunications et de l’énergie ont ainsi fait état de cet avantage financier.
En bref, le message clé de cette période de publication des résultats était que les droits de douane n’avaient pas encore commencé à peser sur les marges ou les bénéfices des entreprises, et que celles-ci disposaient de plusieurs leviers efficaces pour atténuer leur effet, qu’elles allaient continuer à utiliser. Il n’est donc pas surprenant qu’après avoir fortement chuté au cours du premier semestre, les estimations du consensus des analystes concernant la croissance du BPA pour le S&P 500 aient été révisées à la hausse de plus de 1 % pour 2025 à mesure de la publication des résultats trimestriels. Alors que le seuil à franchir pour faire mieux que les prévisions avait baissé jusqu’à un taux de 4 % en glissement annuel au 2e trimestre 2025, les bénéfices annoncés ont surpris à la hausse, avec un taux de croissance de 11 %. Toujours solides, les marges bénéficiaires ont elles aussi surpris à la hausse dans leur ensemble, reflétant la capacité des entreprises à surmonter l’effet des droits de douane. À l’instar des trimestres précédents, les « Magnificent Six » ont continué d’alimenter la croissance des bénéfices du S&P. D’autres secteurs ont également publié des résultats supérieurs aux prévisions, dans le domaine notamment des services financiers.
Implications pour l’investissement
Nous conservons un positionnement légèrement « pro-risque » dans nos portefeuilles multi-actifs. S’agissant des actions, nous restons optimistes quant aux fondamentaux sous-jacents des entreprises et à leur capacité à gérer le coût des droits de douane. En revanche, nous sommes conscients du niveau relativement élevé des valorisations, surtout en ce qui concerne le S&P 500. Nous avons une approche plus ciblée dans notre exposition aux valeurs américaines, qui continue de privilégier des secteurs comme les technologies de l’information, les services de communication et les services financiers. Ceux-ci devraient en effet continuer à bénéficier de la résilience de l’économie américaine, du regain d’activité sur les marchés financiers et de la forte demande d’intelligence artificielle. Nous avons également une exposition aux marchés actions du Japon, de Hong Kong, du Royaume-Uni et de l’Union européenne, pour laquelle le plan budgétaire 2026 est source d’optimisme.
Nous maintenons également une légère surpondération de la duration mondiale, motivée par le ralentissement des marchés de l’emploi et le ton récemment plus conciliant des responsables de la Réserve fédérale américaine. Nous privilégions des positions acheteuses sur les gilts britanniques et les BTP italiens, qui offrent des rendements plus élevés et des courbes de rendement plus attractives que les obligations américaines. Aux États-Unis, nous avons centré nos positions sur la partie courte de la courbe des taux de rendement. Suite au resserrement des spreads du crédit, nos portefeuilles ont évolué vers un positionnement plus neutre sur cette classe d’actifs. Nous continuons toutefois de trouver des opportunités intéressantes sur le marché américain du haut rendement, qui bénéficie de la bonne santé financière des entreprises et de la résilience de l’économie américaine.
Sur les devises, nos portefeuilles affichent une sous-pondération du yen en raison du ralentissement de l’économie japonaise et du coût élevé du portage. Nous nous attendons à un nouvel affaiblissement du dollar américain par rapport à l’euro, sous l’effet de la reprise attendue de la croissance et de l’augmentation des dépenses budgétaires dans la zone euro, accompagnées d’une pause dans les baisses de taux de la Banque centrale européenne.