Synthèse
- Les performances économiques et boursières de la Chine et du Japon ont fortement divergé depuis trois ans, le Japon tirant les fruits de la reflation pendant que la Chine était confrontée à un environnement déflationniste résultant d’une baisse de la demande.
- Plus récemment, l'affaiblissement du yen a pesé sur les perspectives de croissance des salaires réels au Japon, ce qui se traduit par une reprise plus lente que prévu de la consommation intérieure. Sachant que la demande intérieure peut encore augmenter et que les réformes de la gouvernance d'entreprise se poursuivent, l’intérêt structurel des actions japonaises demeure intact.
- Les mesures politiques récemment annoncées par Pékin ont donné un coup de fouet aux actions chinoises. Les acteurs du marché s’interrogent toutefois sur l'ampleur de la relance budgétaire et son impact potentiel sur l’économie. Si les valorisations peu élevées du marché chinois sont un facteur de soutien à court terme, ses performances à long terme dépendront des politiques gouvernementales.
Changement de dynamique sur les marchés asiatiques
Au cours des trois dernières années, les marchés boursiers chinois et japonais ont évolué dans des directions radicalement différentes. L'indice MSCI China a plongé de plus de 50 % depuis son point haut de début 2021, tandis que l'indice Nikkei 225 a atteint des niveaux record en mars de cette année. Depuis le second trimestre, la tendance s'est toutefois inversée : l'indice MSCI China s'est nettement redressé depuis la mi-avril, tandis que les actions japonaises ont fait du surplace.
Cette surperformance du marché boursier chinois est-elle durable ? Les actions japonaises parviendront-elles à s’affranchir des effets pénalisants de l'affaiblissement du yen ? Dans le bulletin de ce mois-ci, nous faisons le point sur les perspectives de ces deux marchés.
Chine : une reprise déséquilibrée avec des signaux politiques favorables
En Chine, les chiffres récents signalent une stabilisation de la dynamique de croissance, soutenue par une demande extérieure solide et par l’augmentation des dépenses publiques d’infrastructures. Ce redressement de la croissance reste malgré tout déséquilibré, avec une demande intérieure toujours faible, notamment en ce qui concerne les biens de consommation.
Dans notre scénario de base, nous prévoyons que la croissance du PIB réel de la Chine atteindra 5,0 % en 2024, conformément à l'objectif du gouvernement. Dans le même temps, l’environnement économique chinois devrait rester peu inflationniste, car les mesures de relance ont été jusqu’à présent davantage axées sur le soutien de l'offre que sur celui de la demande.
Nous estimons que les risques qui pèsent sur ce scénario sont équilibrés. Le principal risque à la baisse est celui d’une nouvelle détérioration du secteur immobilier. Certains chiffres récents laissent à penser que l’immobilier chinois n'a pas encore touché le fond. Les ventes de logements neufs et les investissements immobiliers sont encore en baisse de deux chiffres en glissement annuel, tandis que les prix des logements neufs continuent de décroître.
En revanche, ces dernières semaines, des mesures supplémentaires de soutien à l’immobilier et de relance budgétaire ont été mises en place à la suite de la réunion d’avril du Politburo. L’ampleur globale de ces mesures de soutien reste malgré tout limitée. La manière dont elles seront mises en oeuvre sera donc déterminante.
Par exemple, les mesures de soutien à l'immobilier visent à stimuler la demande et à réduire les stocks de biens immobiliers primaires grâce à des financements bonifiés de la Banque populaire de Chine (BPC). L'ampleur du soutien financier annoncé par la BPC pour l'achat par les gouvernements locaux de biens achevés mais invendus, qui s’élève à 300 milliards de RMB, est relativement modeste par rapport aux 3000 ou 4000 milliards de RMB qui seraient nécessaires pour ramener les stocks à des niveaux plus raisonnables. Cela étant dit, il existe un risque à la hausse pour ce point de vue : une utilisation rapide de l’enveloppe de la BPC pourrait déboucher sur un soutien financier supplémentaire de la part de la banque centrale.
Un soutien financier aux projets prévendus mais inachevés serait peut être plus efficace qu’un soutien aux biens achevés invendus pour redonner le moral aux acheteurs de logements. Il s’accompagnerait toutefois d’un aléa de moralité, en s’apparentant sur le fond à un plan de sauvetage des promoteurs. Le gouvernement préfèrera donc probablement éviter une telle approche, tout au moins à court terme.
Japon : poursuite de la reprise sur fond d’inflation persistante
Nous restons constructifs concernant les perspectives économiques du Japon, compte tenu de la croissance solide des salaires et de l'amélioration des dépenses d'investissement des entreprises. Celles-ci ont des projets d’investissement significatifs pour les prochains trimestres et la pénurie structurelle de main-d'oeuvre continuera probablement d’encourager les investissements qui permettent d'améliorer la productivité et d’économiser du personnel. La consommation devrait se redresser grâce à la légère hausse des salaires réels qui fait suite à près de deux ans de croissance négative. Ce redressement risque toutefois d’être plus lent que prévu, car les pressions inflationnistes sur les dépenses de consommation se maintiennent suite à l’affaiblissement du yen.
Bien sûr, après plusieurs décennies de déflation, cette inflation est plutôt la bienvenue au Japon. On observe des signes croissants d'une inflation soutenue, entretenue par un cycle vertueux salaires-prix. Selon nos prévisions, l'inflation de base (hors énergie et produits alimentaires frais) devrait rester supérieure à l'objectif de 2 % de la Banque du Japon en 2024. Compte-tenu du résultat des négociations salariales du printemps de cette année (une augmentation du salaire de base de 3,6 %), la croissance des salaires devrait rester orientée à la hausse. La croissance du revenu réel des ménages pourrait ainsi redevenir positive vers le début du quatrième trimestre (figure 1).
Malgré une demande intérieure atone au premier trimestre, nous pensons que la normalisation progressive de la politique monétaire va se poursuivre. La Banque du Japon est en effet de plus en plus certaine que l'inflation sousjacente se rapprochera des 2 %. La faiblesse récente du yen va probablement faire remonter les anticipations d’inflation concernant les prix à la consommation. Nous estimons par conséquent que la banque centrale voudra éviter d'être trop en retard sur la courbe pour relever ses taux. Elle devrait ainsi augmenter son taux directeur de 0,25 % en juillet, puis de nouveau en janvier et au deuxième trimestre de l’an prochain.
Le sort divergent des géants asiatiques
L'affaiblissement du yen a donné un coup de pouce aux actions japonaises, leur permettant de surperformer leurs homologues mondiales depuis janvier 2023. Leurs performances sont toutefois égales depuis avril 2024. Si cela s’explique en partie par le ralentissement de la dynamique macroéconomique, les inquiétudes des investisseurs concernant l'impact négatif d'un nouvel affaiblissement du yen en sont probablement la cause principale.
Ces inquiétudes ont commencé à se faire jour après la réunion « dovish » de la Banque du Japon en avril. En parallèle, la perspective de taux « plus élevés pour plus longtemps » aux États-Unis a affaibli encore plus le yen et attiré l'attention des investisseurs sur la faiblesse de la consommation intérieure japonaise. Les acteurs du marché craignent qu'une dépréciation excessive du yen n’entraîne une hausse de l'inflation importée et ne remette en cause les progrès réalisés sur la croissance des salaires réels. Un taux de change USD/JPY de plus de 157 pourrait ainsi annuler l’augmentation salariale de 3,6 % obtenue lors des négociations du printemps, ce qui retarderait la reprise de la consommation des ménages.
En ce qui concerne les entreprises, les perspectives sont mitigées. Elles ont de nouveau affiché des taux de croissance à deux chiffres de leurs bénéfices dans les derniers résultats publiés, tout en se montrant prudentes pour l’avenir en raison de la hausse des salaires et d'un environnement difficile pour les prix. Les annonces de rachats d'actions se sont multipliées cette année, mais elles ne se sont pas traduites par de nouvelles hausses des cours, ce qui laisse à penser que les investisseurs font attention aux valorisations et se concentrent surtout sur les fondamentaux des entreprises.
Les réformes de la gouvernance d'entreprise ont joué un rôle important dans la hausse des actions japonaises au cours de l'année écoulée. Maintenant que près de 70 % des sociétés cotées sur le « Prime Market » du Tokyo Stock Exchange ont publié les informations requises par ces réformes, nous pensons que l’attention des investisseurs s’attachera moins à la quantité et plus à la qualité de ces réformes sur la rémunération des fonds propres.
À long terme, l'amélioration de la gouvernance des entreprises sera un facteur de soutien structurel pour les actions japonaises. À court terme, les anticipation relatives aux taux directeurs américains seront une source de volatilité pour le marché du yen, ce qui pourrait maintenir les actions japonaises dans une fourchette relativement étroite.
En ce qui concerne les actions chinoises, leur fourchette de cotation a été tout sauf étroite, les cours ayant gagné plus de 12 % depuis la mi-avril. L’anticipation de nouvelles mesures d’assouplissement a commencé à se manifester à l'approche de la réunion d’avril du Politburo, et les annonces qui ont suivi ont soutenu la progression du marché.
Les performances récentes ont toutefois été en grande partie alimentées par la réévaluation de valorisations qui étaient particulièrement basses (contribuant à hauteur de 95 % au rendement du marché). Le positionnement très léger des investisseurs a également joué un rôle. Les flux entrants sur le marché chinois semblent provenir en grande partie d'investisseurs tactiques ayant un horizon d’investissement très court. La plupart des autres investisseurs restent dubitatifs quant à la perspective d'une reprise durable, car les fondamentaux et les prévisions de bénéfices n’ont pas vraiment changé.
Beaucoup de bonnes nouvelles semblent déjà intégrées dans les cours et l’attention se porte désormais sur la mise en oeuvre des réformes et leur impact effectif sur l'économie – ce qui pourrait facilement donner lieu à des déceptions. Les mesures annoncées jusqu’à présent sont d’ampleur relativement modeste et s’accompagnent généralement d’un délai. Elles n’ont pas réussi à redonner le moral aux consommateurs et les prix des logements sont toujours en baisse dans les grandes villes.
Le « slack » (excédent de main d’oeuvre) reste également important sur le marché de l’emploi, ce qui pèse sur les sources de revenus et les bénéfices des entreprises chinoises. Elles ont été nombreuses à annoncer des résultats inférieurs aux prévisions des analystes pour le premier trimestre et l’environnement faiblement inflationniste devrait continuer à peser sur leurs marges.
De notre point de vue, une reprise durable des actions chinoises exigera des mesures de relances importantes pour stabiliser le secteur immobilier. Il serait également nécessaire que les ratios de révision des bénéfices s’améliorent, car ils sont aujourd'hui bloqués en territoire négatif.
Implications pour les classes d’actifs
À court terme, les actions japonaises sont exposées à des risques dans les deux sens du fait de la politique monétaire et du redressement graduel des fondamentaux. À plus long terme, nous pensons qu'une nouvelle amélioration des mesures du rendement des capitaux propres (ROE) pourrait leur permettre de reprendre leur progression. De leur côté, les actions chinoises pourraient bénéficier à court terme d’un niveau de valorisation attrayant et d’un poids encore limité dans les portefeuilles d'actions internationales. Les mesures politiques seront toutefois déterminantes pour garantir une progression durable du marché boursier chinois, sachant que tout retard éventuel risque de peser sur le sentiment des investisseurs. Les surcapacités industrielles et l'éventualité de nouveaux droits de douane américains pourraient constituer des risques supplémentaires pour les actions chinoises.
Au sein de nos portefeuilles multi-actifs, nous conservons un positionnement globalement favorable aux actifs risqués, en surpondérant les actions (principalement les actions américaines, européennes et japonaises) et le crédit. Nous maintenons une position neutre sur la duration.
Multi-Asset Solutions
L’équipe Multi-Asset Solutions de J.P. Morgan Asset Management gère plus de 269 milliards de dollars d’actifs et s’appuie sur une expertise d’envergure ainsi que sur les capacités d’investissement de J.P. Morgan Asset Management. Notre recherche et nos analyses dans le domaine de l’allocation d’actifs constituent le fondement de notre processus de gestion. Ce dernier est soutenu par une équipe de recherche mondiale composée de plus de 20 professionnels dédiés et représentant plusieurs décennies d’expérience combinée dans un vaste champ de disciplines.
La grille d’allocation de Multi-Asset Solutions est le résultat d’un processus qui intègre :
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Au 31 mars 2024.