La gestion d’investissement ressemble parfois à la gestion d’une équipe de football : on ne peut pas exclusivement choisir les joueurs les plus prometteurs et les plus chers. Il convient plutôt d’intégrer des joueurs qui ont passé le point culminant de leur carrière internationale, mais qui pourront toujours constituer des membres fiables de l’équipe pour plusieurs années. Il en va de même pour sélectionner avec soin les actions value d’un portefeuille. Les actions growth sont quant à elles les potentielles stars de demain. À l’image de jeunes footballeurs prometteurs, elles ont encore un peu de chemin à parcourir dans les années à venir et présentent une grande marge de progression. Ces joueurs représentent un plus grand risque, car ils pourraient se blesser avant que leur onéreux transfert ne soit rentabilisé. Mais ils ont le potentiel pour hisser leur équipe au niveau supérieur.
Les gérants recherchent une équipe avec ces deux types de joueurs. Vers la fin d’un match difficile, ils voudront peut-être se tourner vers les joueurs value pour distribuer des dividendes lorsque la pression se fait ressentir.
Les fondamentaux
MSCI s’appuie sur différents indicateurs pour caractériser une action de value ou de growth, notamment le ratio cours/valeur comptable (P/B), le ratio cours/bénéfices (P/E) anticipé sur 12 mois, le rendement du dividende et la croissance des bénéfices et des ventes à court et à long terme. Les actions value ont un ratio cours/valeur comptable inférieur, un ratio cours/bénéfices inférieur et un rendement du dividende supérieur à la moyenne du marché.
Les indices growth sont souvent fortement orientés sur les actions technologiques. Le secteur des technologies de l’information représente actuellement 23 %1 de l’indice MSCI World Growth (en Europe, l’indice growth présente une ventilation plus équilibrée des secteurs). Il n’est pas surprenant que le style growth ait réalisé de très bonnes performances aux périodes où les investisseurs s’enthousiasmaient face aux performances potentielles des innovations technologiques qui progressaient rapidement, comme pendant le boom technologique des années 1990. En revanche, l’indice MSCI Growth a sous-performé dans les années 2000 lors de l’expansion du marché des actions qui était alors orienté sur le logement, la finance et les matières premières au détriment des innovations technologiques.
La composition des indices value a davantage évolué avec le temps. Actuellement, ce sont les valeurs financières qui prédominent dans les indices value et elles représentent 25 % de l’indice MSCI World Value, suivies par le secteur de la santé. Du côté des indices growth, les technologies précèdent la consommation discrétionnaire.
1Les technologies représentaient 30 % de l’indice MSCI World Growth en octobre 2018, soit avant la reclassification de certaines actions technologiques en actions des services de communication. Les services de communication comptent désormais pour 10 % de l’indice.
Qu’est-ce qui favorise la surperformance du style growth ?
En périodes de disruptions et d’innovations technologiques rapides, les investisseurs se tourneront davantage vers le style growth. Suite à la crise financière, l'évolution rapide des technologies et les valorisations de départ bon marché des actions growth ont apporté un soutien remarquable à ces actions sur une bonne partie de l’expansion actuelle des marchés.
Graphique 1: Performance relative des styles value et growth
Performance relative des indices MSCI World Growth/Value et baisses de l’indice S&P 500
Niveau relatif de l’indice, recalculé en base 100 en 1975
Source : MSCI, Thomson Reuters Datastream, J.P. Morgan Asset Management. Les niveaux des indices sont calculés à partir des indices de prix dans la monnaie locale. La performance passée n’est pas un indicateur fiable des résultats actuels et futurs. Données au 22 janvier 2019.
Qu’est-ce qui favorise la surperformance du style value ?
Les actions value surperforment davantage lorsque l'économie traverse des phases plus difficiles. En effet, lorsque le marché est baissier, du fait de leurs valorisations inférieures, elles chutent généralement dans de moindres proportions par rapport aux actions growth plus chères, et leurs revenus supérieurs permettent souvent de protéger les performances totales. Le style value surperforme également en principe au début des cycles de reprise. Cela s’explique partiellement par la forte représentation du secteur financier dans les indices value. Les premières phases du cycle sont généralement favorables aux valeurs financières, car les banques empruntent à des taux à court terme et prêtent à des taux à plus long terme, ce qui signifie qu’une courbe accentuée fait augmenter leur rentabilité future.
Graphique 2: Valorisations des styles value et growth
Ratio cours/bénéfices des indices MSCI World Growth et Value
Multiple X, ratio cours/bénéfices tendanciel sur 12 mois
Source : MSCI, Thomson Reuters Datastream, J.P. Morgan Asset Management. Le ratio P/E tendanciel est calculé à l’aide des bénéfices par action des 12 derniers mois. La performance passée n’est pas un indicateur fiable des résultats actuels et futurs. Données au 31 décembre 2018.
Attractivité des styles value et growth dans le cycle actuel
Le cycle actuel étant avancé, et compte tenu des prix relatifs des deux styles, les investisseurs pourraient envisager d’intégrer à leur portefeuille des actions « value » triées sur le volet. Historiquement, le style value semble mieux se porter lors des phases initiales d’une reprise après une période baissière (voir "Changer de positionnement : considérations de portefeuille en fin de cycle" 2). Lors des précédentes périodes de repli, notamment lors de la correction du quatrième trimestre de 2018, les actions « value » ont subi une baisse moins marquée que le marché dans son ensemble et ont surperformé les actions growth. La crise financière est l’exception qui confirme la règle. Néanmoins, un nouveau recul lié au secteur financier reste peu probable étant donné que les banques sont désormais nettement mieux capitalisées et moins endettées qu’il y a 10 ans.
Il semble toutefois peu probable que les actions growth sous-performent dans les mêmes proportions qu’après le boom technologique. Selon nous, les avantages structurels issus du potentiel d’une disruption et de progrès technologiques plus rapides demeurent, tandis que les valorisations de certaines actions growth ont significativement baissé.
2Changer de positionnement : considérations de portefeuille en fin de cycle, Michael Bell, J.P. Morgan Asset Management, octobre 2018.
Graphique 3: Performance des styles value et growth en périodes de baisse
Performance des indices MSCI World Growth et Value
Performance en %, devise locale
Source : MSCI, Thomson Reuters Datastream, J.P. Morgan Asset Management. Les niveaux des indices sont calculés à partir des indices total return dans la devise locale. La moyenne des périodes de baisse représente la performance moyenne en % des indices respectifs lors des cinq derniers replis qui ont eu lieu entre 1980 et 2009. La performance passée n’est pas un indicateur fiable des résultats actuels et futurs. Données au 31 décembre 2018.
Alors que nous nous approchons des prolongations de cette phase d’expansion, les investisseurs pourraient vouloir se tourner de plus en plus vers leurs joueurs fiables et expérimentés, soit les actions « value ». Dans le même temps, il ne faut pas perdre de vue la tournure que prend le match à long terme et il convient de garder une sélection de joueurs « growth » à faire entrer en jeu plus tard.
Toutefois, les joueurs bon marché ne constituent pas tous de bonnes affaires. Seuls ceux qui ont encore beaucoup d’endurance (et qui ne se trouvent pas à un poste menacé par une étoile montante) rejoindront l’équipe. De la même manière, les jeunes joueurs ne craqueront pas tous sous la pression en périodes difficiles. Mais une équipe composée seulement de jeunes pépites onéreuses pourrait se trouver en difficulté face à une équipe plus équilibrée de joueurs jeunes et d’autres expérimentés à l’approche du coup de sifflet final.